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Guerre en Ukraine : « A force de franchir tous les paliers de la peur, j’ai compris que je ne suis rien, juste un corps en vie »

Le long des 1 000 kilomètres de ligne de front, l’hiver est arrivé. Le froid est mordant, la neige et la boue recouvrent tout, le vent transperce les corps. Vingt-deux mois après l’invasion russe, le 24 février 2022, l’Ukraine s’est installée dans une perspective de guerre longue. Cet automne, Le Monde est allé à la rencontre d’officiers et de soldats appartenant à des unités de combat. Rencontrés plusieurs fois au fil de la guerre, ils parlent en liberté, sans contrôle de leur commandement. Certains doivent préserver leur anonymat.

« WarWar », soldat dans une unité spéciale des services de renseignement militaires, combat sur le front de Zaporijia, là où l’armée ukrainienne espérait, en juin, effectuer sa principale percée vers le sud, sans succès pour le moment. « La situation est plus intense que l’an dernier, à cause des drones kamikazes russes. C’est difficile, car nous ne pouvons plus rouler librement. Maintenant, il faut marcher des kilomètres. » S’il trouve cela « dur à admettre », « WarWar » confie que « les Russes s’améliorent plus vite qu[’eux], et ont davantage de capacités qu’avant ».

Le sergent-chef Sergiy Vengerskiy « Zakhar », soldat dans le 518e bataillon d’infanterie de la 1re brigade spéciale, de retour à Kiev après dix-huit mois de combat très rudes sur tous les fronts d’Ukraine, reconnaît lui aussi que « l’été a été très difficile » – en particulier dans la région de Lyman, où il a été déployé en dernier, dans l’est du pays. « Nous n’avons pas suffisamment de soldats, ni suffisamment d’artillerie. A la fin de l’été, nous n’étions que quatorze, contre environ cent cinquante soldats russes. Leurs tirs ont rasé la forêt, il n’y avait plus un seul arbre debout. » « Zakhar » décrit « des vagues d’assaut russes qui déferlent » sur les lignes ukrainiennes. « Sans davantage d’artillerie pour les tuer tous, dit-il, on n’y arrivera pas. »

Un constat partagé par le sergent « Dizel », soldat dans le 49e bataillon d’infanterie, « Carpathian Sich » : « Les Russes envoient tant d’hommes à l’assaut, c’est fou. Et malgré nos tirs d’artillerie, ceux qui survivent continuent à avancer. Je ne comprends pas bien pourquoi. Je pense qu’ils doivent être camés. »

Beaucoup de blessés

Le colonel Oleh Uminskiy, qui commande la 1re brigade spéciale désormais déployée sur le front de Bakhmout, dans l’Est, évoque à son tour les difficultés rencontrées. « Les combats sont très rudes, sans qu’un camp parvienne à être supérieur à l’autre. Un jour ils [les Russes] avancent, un jour c’est nous qui avançons. Le front, c’est comme dans A l’Ouest rien de nouveau [roman d’Erich Maria Remarque, 1929], comme pendant la première guerre mondiale. Sauf qu’au lieu de tranchées profondes on vit et on combat dans des trous de renard. Et on ne peut avoir ni électricité, ni feu, ni chauffage, car on serait repérés par les drones à vision thermique de l’ennemi. Il faut aller 5 à 10 kilomètres à l’arrière pour se réchauffer et manger un repas chaud. »

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