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« La vague montante du caviar chinois déstabilise les marchés »

Parfois, pour les fêtes de fin d’année, le gourmet se laisse tenter par un caviar à prix bradé en supermarché. L’œuf d’esturgeon est alors un produit d’appel en rayon. Ou comment appâter les Français pour les ferrer au moment où ils ouvrent large leur porte-monnaie pour remplir leur panier. Une prodigalité très courtisée.

Ce caviar est souvent italien, quand la Péninsule se targue d’être le premier producteur européen, avec 65 tonnes. L’Italie vend, de temps en temps, à vil prix le produit. En cause, la lutte féroce à laquelle se livrent les concurrents sur tous les continents – les gros poissons du caviar. Le plus récent n’est pas le moins gourmand, en l’occurrence la société chinoise Kaluga Queen. « En 2011, la Chine a décidé de préempter le marché. Ce pays est devenu le premier producteur mondial, pesant de 250 à 280 tonnes, dont 200 tonnes produites par Kaluga Queen », explique Laurent Dulau, directeur de la société Kaviar, connue pour sa marque Sturia. Une épopée née dans le fleuve Amour, où frayaient deux espèces d’esturgeon, Schrenki et Dauricus, dont l’hybride peuple désormais les piscicultures.

Cette vague montante chinoise déstabilise les marchés. D’autant que le caviar, produit frais et sensible, n’est guère apte à rester dans les placards. Il faut l’écouler, et les prix coulent. De quoi faire tanguer le numéro deux mondial, l’italien Agroittica. D’autant plus qu’il voit débouler, dans la ligne d’eau voisine, un nouvel adversaire prêt à le coiffer au poteau, le polonais Antonius Caviar, qui a passé la barre des 40 tonnes.

La pisciculture a pris le relais

Le caviar est aussi de Bulgarie, des Etats-Unis, du Vietnam ou même de Madagascar. Mais, malgré les a priori ancrés dans les esprits, pas de Russie, contrée où l’exploitation sans limitation des esturgeons sauvages, faisant disparaître la ressource, s’est terminée en queue de poisson. La pisciculture a pris le relais. Et les élevages d’esturgeons surgissent là où argent et eau coulent à flots. Résultat : selon M. Dulau, « en onze ans, la production annuelle mondiale a été multipliée par 2,5 à 600 tonnes, alors que la valeur du marché du caviar est restée la même, à près d’un milliard d’euros ».

La production française des précieux œufs noirs est, elle, étale, à 50 tonnes, mais elle aimerait bien briller dans les étals. Quatre entreprises, Caviar House & Prunier, groupe Kaviar, L’Esturgeonnière et Caviar de France, ont décidé de mettre leurs œufs dans le même panier pour décrocher une indication géographique protégée (IGP). « En 2024, nous serons certifiés caviar d’Aquitaine », se réjouit Olivier Cabarrot, PDG de Caviar House & Prunier. Il évoque une fourchette de prix allant de 2 250 à 8 000 euros le kilo pour ce mets raffiné français, à mettre en perspective avec la durée d’élevage de l’esturgeon. Soit sept ans pour le baeri, neuf ans pour l’osciètre et de douze à quinze ans pour le beluga. Avec l’IGP, le caviar d’Aquitaine revendique la clarté dans un monde où règne le clair-obscur et veut bénéficier de la valeur ajoutée liée à sa rareté. Le caviar français nage à contre-courant entre les gros poissons…

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