Close

Julia Cagé : « Pour sortir des analyses fourre-tout sur le “populisme”, il faut allier les leçons de l’économie politique à celles des études électorales »

La vague « populiste » serait donc de retour. Les démocraties affaiblies basculeraient les unes après les autres dans l’« illibéralisme », victimes de la méfiance d’un électorat insatisfait. Les commentateurs mettent dans le même sac l’Argentine, les Pays-Bas et les sondages soulignant l’avance de Donald Trump sur Joe Biden ; tout en oubliant la défaite du PiS en Pologne et le nouvel accord de gouvernement scellé par la gauche en Espagne.

Pour sortir des analyses fourre-tout sur le populisme, il faut allier les leçons de l’économie politique à celles des études électorales, en étudiant au plus près les groupes sociaux qui se reconnaissent dans les différents candidats et les politiques sur lesquelles portent les désaccords fondamentaux.

Prenons l’Argentine : Javier Milei est arrivé loin derrière le candidat de centre gauche, Sergio Massa, au premier tour (respectivement 30 % et 37 % des suffrages exprimés). Les électeurs de Milei viennent massivement des provinces, mais ils ne s’y limitent pas. Ce dernier ne l’aurait jamais emporté sans le soutien de Patricia Bullrich, candidate de la droite traditionnelle poussée au ralliement par l’ancien président Mauricio Macri. Certes, Massa l’a emporté dans la province de Buenos Aires, mais dans la capitale argentine, il n’est arrivé en tête que dans la Commune 8, qui regroupe Villa Soldati, Villa Lugano et Villa Riachuelo, autrement dit les quartiers les plus modestes.

A l’inverse, dans les quartiers résidentiels privilégiés de Palermo, Nuñez, Belgrano ou Colegiales, près de 70 % des suffrages se sont portés sur Milei, comme sur les autres présidents de droite avant lui. Le nouveau président argentin devra d’ailleurs, pour gouverner, s’appuyer au Parlement sur la coalition de centre droit Juntos por el cambio (« unis pour le changement »).

Dos à dos

Aux Pays-Bas, déjà en 2016, Geert Wilders était donné devant les libéraux de droite de Mark Rutte (VVD) à quelques mois des législatives de 2017, avant de terminer en deuxième position. Six ans plus tard, on observe que 15 % de ses électeurs avaient voté pour le VVD lors des précédentes élections législatives, en 2021. Entre-temps, la candidate du VVD, Dilan Yesilgöz-Zegerius, avait ouvert la porte à une coalition avec Wilders, défendant le durcissement de la politique migratoire.

Le terme de « populiste » est utilisé le plus souvent pour renvoyer dos à dos les oppositions de droite et de gauche. L’analyse socio-économique fondée sur des données précises et une mise en perspective historique montre que, plutôt que d’accuser des électeurs inconscients, il conviendrait de discuter de la responsabilité des partis dits « de droite traditionnelle ».

Il vous reste 10% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top