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« Préférence nationale » : « La loi “immigration” marque l’accentuation de logiques déjà existantes mais aussi une forme de rupture »

Emmanuel Blanchard est historien et maître de conférences en science politique à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye. Il a notamment publié Histoire de l’immigration algérienne en France (La Découverte, 2018). Il situe la loi adoptée mardi 19 décembre dans une lignée de textes de « dissuasion » de l’immigration votés depuis quarante ans et montre en quoi la remise en cause du droit du sol ou la préférence nationale sont des marqueurs de l’extrême droite.

La loi « immigration » tout juste adoptée est la vingtième en quarante ans. Est-elle en rupture avec les précédentes ?

La première rupture de ce texte tient aux conditions législatives et à la configuration politique de son adoption. Au-delà des inspirations programmatiques et idéologiques, dont Marine Le Pen s’est félicitée, cette loi a été votée avec les voix du Rassemblement national (RN). De plus, des dispositions potentiellement anticonstitutionnelles y ont été intégrées en toute conscience. Cela marque une nouvelle étape dans un mouvement plus général de remise en cause des droits fondamentaux.

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En 1984, une loi qui a instauré la « carte [de résident] de dix ans » a été votée. C’est la dernière grande loi qui améliore les conditions de séjour des étrangers. Depuis, les lois sur l’immigration ont pour objectif principal la dissuasion, la suspicion et la répression. On a certes observé des mouvements de balancier quand la gauche était au pouvoir mais sans que jamais ne s’opère un retour total aux situations antérieures plus favorables. Il reste que la loi adoptée mardi est l’une des plus répressives de ces quarante dernières années. On peut la comparer aux « lois Pasqua » de 1993, ce dont se félicite le parti d’Eric Ciotti, Les Républicains (LR).

Pourquoi l’analogie est-elle faite avec les « lois Pasqua » ?

Ce rapprochement tient d’abord à un esprit commun : il s’agit d’une loi de dissuasion de l’immigration et, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, Charles Pasqua revendiquait l’objectif d’une « immigration zéro ». En outre, un certain nombre de dispositions renvoient à ces années Pasqua [1986-1988, 1993-1995]. C’est en particulier le cas de l’article qui remet en cause le droit du sol et réintroduit, pour obtenir la nationalité française, une condition de « manifestation de volonté » de la part des enfants nés en France de parents étrangers. La loi Pasqua-Méhaignerie de juillet 1993 avait aussi réformé le code de la nationalité et instauré une clause de « manifestation de volonté », abolie par la « loi Guigou » de mars 1998.

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