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La loi immigration adoptée au Parlement, "un texte fort et ferme" qui fracture la majorité

Après le Sénat, l’Assemblée nationale a adopté définitivement, tard mardi soir, le projet de loi immigration avec 349 voix pour et 186 contre. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est félicité d’un texte « fort ». Son adoption ouvre cependant en même temps une profonde fracture au sein de sa majorité.

Le Parlement a approuvé définitivement, mardi 19 décembre, la loi sur l’immigration. Une victoire parlementaire pour Emmanuel Macron qui ouvre en même temps une profonde fracture au sein de sa majorité, dont une partie s’est détournée d’un texte soutenu à la dernière minute par le Rassemblement national.

Après 18 mois de revirements et de rebondissements autour de ce projet de loi inflammable, l’Assemblée l’a voté avec 349 voix pour et 186 voix contre, sur 573 votants, LR et RN joignant leurs voix à celle de la majorité. Mais cette dernière s’est divisée : sur les 251 qu’elle compte, 59 ont fait défaut, choisissant de s’abstenir ou de voter contre le projet de loi.

Le Sénat, dominé par la droite et le centre, avait adopté par 214 voix pour et 114 contre le texte issu des longues et douloureuses tractations de la Commission mixte paritaire, conclave de sept sénateurs et sept députés dominé par la droite.

Sur X, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est félicité de l’adoption d’un texte « fort et ferme », « sans les voix des [88] députés RN ».


« La majorité a fait bloc, la manœuvre du RN a échoué », a estimé de son côté la Première ministre Élisabeth Borne. « On voulait faire voter un texte sur des mesures utiles, efficaces, attendues par nos concitoyens, avec deux objectifs : éloigner plus rapidement, plus efficacement ceux qui n’ont pas le droit d’être en France, et mieux intégrer ceux que nous choisissons d’accueillir », a-t-elle déclaré sur France inter.

« Je ne tiens pas compte des voix du Rassemblement national. Sans ces voix, ce texte a été adopté », a-t-elle insisté. « Je suis profondément humaniste. Je suis moi-même fille de quelqu’un qui est arrivé comme apatride dans notre pays, qui a acquis la nationalité française. C’est quelque chose qui me tient à cœur. […] J’ai mouillé ma chemise pendant les dix derniers jours. J’ai veillé à ce que ce texte respecte nos valeurs. »

Emmanuel Macron sera de son côté l’invité de l’émission C à Vous sur France 5, mercredi soir depuis l’Elysée. 

« Victoire idéologique »

Le chef de file de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a de son côté dénoncé une « écœurante victoire » acquise au contraire grâce aux voix de l’extrême droite. « Un nouvel axe politique s’est mis en place », a-t-il réagi sur X. Le texte aurait en effet été tout de même adopté si les parlementaires d’extrême droite s’étaient abstenus. Le résultat aurait en revanche été différent s’ils avaient voté contre.

Dans l’hémicycle, Gérald Darmanin a vanté un texte méritant d’être voté « pour la protection des Français », pour la « régularisation des travailleurs sans papiers », « pour la simplification de notre droit ». Il s’en est pris avec virulence à la gauche, l’accusant d’avoir trahi la « morale » en « quémandant les voix du RN » – une manière de prendre sa revanche sur la Nupes, dont la motion de rejet, votée par la droite et le RN, avait brutalement mis fin aux débats sur ce texte la semaine dernière dans l’hémicycle de l’Assemblée. Plongeant la macronie dans des tractations de la dernière chance avec la droite.

Gérald Darmanin a aussi vivement attaqué le RN, qui a décidé en dernière minute de voter pour le projet de loi, l’accusant de faire un « petit coup » politique pour mettre dans l’embarras la majorité, alors qu’il l’avait jusqu’à présent rejeté.

La gauche n’a eu de cesse de pointer dans le texte « une loi directement inspirée du programme de Jean-Marie Le Pen », le fondateur du Front national : « préférence nationale dans les prestations sociales, déchéance de nationalité, remise en cause du droit du sol », a énuméré la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot.

Le RN a applaudi ces prises de parole dans l’hémicycle, se réjouissant de sa « victoire idéologique », comme avait dit Marine Le Pen plus tôt dans la journée. « Ce soir, si les députés du Rassemblement national votaient contre, ce texte ne passait pas contrairement aux mensonges proférés par Gérald Darmanin. C’est une victoire totale des idées défendues par Marine Le Pen », s’est félicité le député d’extrême droite Jean-Philippe Tanguy.

La cheffe des députés écologistes, Cyrielle Chatelain, a elle fustigé Emmanuel Macron qui, selon elle, « a enterré le dépassement ». « Il a trahi ses électeurs. Le seul mandat donné au président était de faire barrage à l’extrême droite et il a permis d’inscrire ses idées dans la loi », s’est-elle insurgée.

La Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe plus de 900 associations, a par ailleurs annoncé mercredi qu’elle effectuait les démarches nécessaires pour faire examiner par le Conseil constitutionnel des mesures de la loi immigration. Le projet de loi immigration porté par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin « n’apporte aucun élément de maîtrise de l’accueil et de l’intégration des étrangers » mais « un déchainement de mesures qui vont peser lourdement sur les étrangers en précarité » et « les conditions d’action » des associations, estiment-elles.

Démission présentée

Signe du malaise dans la majorité, le président de la commission des Lois, Sacha Houlié, a voté contre le projet de loi. Et le président du groupe MoDem, Jean-Paul Mattei, s’est abstenu.

Le marasme touche aussi le gouvernement. Un flou planait mercredi matin sur une possible démission du ministre de la Santé Aurélien Rousseau. Plusieurs autres ministres défavorables au texte, comme Clément Beaune (Transports), Patrice Vergriete (Logement) ou Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur), ont été reçus dans la soirée à Matignon. Patrice Vergriete et Sylvie Retailleau, en désaccord avec le texte, avaient également « mis leur démission dans la balance » mardi après le ralliement du RN, selon une source ministérielle.

Dans cette atmosphère pesante, les membres du gouvernement se retrouveront pour un Conseil des ministres à l’Élysée mercredi matin.

Allié historique du chef de l’État, le président du MoDem, François Bayrou, selon des sources concordantes, avait en début de soirée fait savoir qu’il « n’acceptera[it] pas » un texte sur l’immigration « revendiqué » par le RN. Son groupe s’est finalement divisé lors du vote.

« Ça va laisser des traces. Et pas qu’au Parlement. Je pense qu’on ne se rend pas encore compte des répercussions. Des collègues ont craqué physiquement. […] Ne pas tirer les leçons de l’épisode qu’on vient de vivre, ce serait difficile », glissait après le vote une cadre de la majorité.

Le président des LR, Éric Ciotti, se félicitant d’une « victoire historique pour la droite », a appelé la majorité « en crise », à « tenir compte » du fait que les Républicains avaient permis « sur le fond et la forme l’adoption de ce texte ». « Qu’elle [la majorité présidentielle] comprenne enfin que le ‘en même temps’ est une impuissance. » « On est dans la main du RN, on a perdu sur tous les tableaux » et Marine Le Pen « a tout gagné », s’exaspérait une députée Renaissance.

Avec AFP


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