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A la redécouverte du chien laineux

La peau de Mutton, un chien laineux mort en 1859, dont l’ADN a permis de retracer l’histoire de l’espèce.

Des liens qui unissent le chien et l’humain, on pensait tout savoir, ou presque. Compagnons de vie et de labeur, présents sous toutes les latitudes, ils semblaient n’avoir aucun concurrent au titre de « meilleur ami de l’homme ». Tout juste concédait-on aux amoureux des chevaux et autres moutons qu’ils ne pouvaient ni porter un soldat ni offrir de quoi tricoter des vêtements. Et encore : une étude publiée vendredi 15 décembre dans la revue Science vient d’exhumer une race de canidés, aujourd’hui éteinte, que certaines tribus autochtones d’Amérique ont longtemps utilisée comme source de matière première pour le tissage.

Tout le monde semblait avoir oublié ces « chiens laineux », disparus dans les années 1860. Enfin, presque tout le monde. L’Amérique blanche disposait de quelques rares témoignages ethnographiques, recueillis dans la première moitié du XIXe siècle. Demeuraient surtout les récits que les Salish se transmettaient de génération en génération. Il y était question de petits canidés blancs (environ 40 centimètres de haut) que les femmes de ce peuple du Pacifique Nord parquaient sur des îlots au large. Chaque jour, elles pagayaient pour aller les nourrir, essentiellement avec le produit de leur pêche. Et, une ou deux fois par an, elles procédaient à leur tonte méthodique. L’épaisse fourrure ainsi recueillie puis filée finissait en magnifiques couvertures.

Signes extérieurs de richesse mais aussi totems à portée spirituelle, symbolisant le rapport aux anciens, leurs dons pouvaient sceller des alliances, nourrir des dots, voire acquérir des esclaves. Quelques musées américains en gardaient la trace. Le Smithsonian de Washington conservait de son côté l’unique pelage connu d’un chien laineux. « Mutton » avait été adopté par le géologue et ethnographe George Gibbs (1815-1873). A la mort de l’animal, en 1859, conscient des menaces pesant sur la race, le scientifique envoya la peau de son compagnon à l’institution. C’est là que la jeune postdoctorante Audrey Lin, spécialiste de génétique canine, la découvrit en 2021. « J’ai été submergée d’émotion », raconte-t-elle.

Deux mutations intéressantes

Avec le conservateur du département d’anthropologie du Smithsonian, Logan Kistler, ils ont monté un vaste projet en collaboration avec le peuple salish pour tenter de comprendre l’histoire de l’animal. Ils ont entrepris d’extraire l’ADN encore présent dans la peau de Mutton et de la comparer à celui de nombreux autres chiens. Certains avaient vécu dans la région entre il y a cinq mille ans et il y a cinq siècles, donc avant l’arrivée des Européens ; d’autres après, et partout dans le monde. Ils ont ainsi pu établir que la race laineuse avait été sélectionnée il y a… cinq millénaires.

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