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Quand des cadeaux de Noël permettent de déshériter un enfant

Ceux qui croient qu’il n’est pas possible, en France, de déshériter certains de ses enfants se trompent : les parents peuvent s’abstenir de les mentionner sur la clause bénéficiaire de leurs assurances-vie. Ils peuvent aussi éviter de leur donner des étrennes à Noël, comme le montre l’affaire suivante.

En 2015, M. X, aîné d’une famille de huit enfants, découvre que la succession de son père, qui vient de mourir, ne contient que deux biens immobiliers, d’une valeur de 420 000 euros. Sa famille refusant de lui donner des explications, il s’adresse aux banques, et, moyennant le paiement de quelque 2 000 euros, prend connaissance des mouvements opérés sur le compte de son père depuis dix ans.

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Il constate que, chaque année, celui-ci a distribué 22 500 euros d’étrennes à l’ensemble de ses frères et sœurs et à son ex-épouse. Grâce à d’autres sources, il conclut que cela a commencé en 1996, date à laquelle il a divorcé en révélant son homosexualité. Ce qui lui a valu d’être mis au ban de sa famille, qui l’a prié de ne plus assister aux mariages ni aux enterrements, et ne l’a, bien sûr, plus invité pour les fêtes de fin d’année.

« Présents d’usage »

Il demande que ces chèques faits à ses frères et sœurs, dont le total sur dix ans représente 427 500 euros, soient « rapportés » (réintégrés) à la succession, et que sa famille n’ait pas le droit d’en bénéficier lors du partage à venir, compte tenu du recel qu’elle a commis, en les lui dissimulant.

Son avocat, Me Alexis Tombois, estime en effet que, bien qu’offerts à l’occasion de Noël, ils ne peuvent être considérés comme des « présents d’usage », non rapportables à la succession, au vu de leur importance : 26 % des revenus du défunt, qui touchait une pension annuelle de 85 660 euros. Loin des seuils prévus par la jurisprudence, qui s’élèvent à 2 % du patrimoine et 2,5 % des revenus.

La famille objecte que, bien que libellés aux noms des parents, les chèques litigieux étaient destinés aux petits-enfants (qui n’avaient pas encore de compte bancaire), comme le prouvent les lettres de remerciements de ceux-ci. Or, aux termes du code civil, les petits-enfants ne sont pas concernés par le principe du rapport à la succession.

Bien que l’un d’eux témoigne n’avoir jamais rien reçu, et bien que M. X s’étonne que chaque branche familiale ait été gratifiée de la même façon, quel que soit son nombre d’enfants, le tribunal judiciaire d’Angers puis la cour d’appel de cette ville lui donnent tort.

Le tribunal « saucissonne » les sommes par branche familiale, pour les déclarer proportionnées (malgré une valeur de 3,5 %, qui excède encore ce qui est prévu par la jurisprudence). Le 19 octobre 2023, la cour juge que, au regard de « la fortune des donataires », propriétaires « sans charge d’emprunt », les étrennes « doivent être considérées comme des cadeaux d’usage dispensés de rapport à la succession ». M. X hésite à se pourvoir en cassation.

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