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« La crise politique autour du projet de loi “immigration” est un moment de vérité où toutes les fragilités du mandat d’Emmanuel Macron se conjuguent »

Les crises servent toujours de révélateur. Celle qui s’est nouée autour du projet de loi sur l’immigration, dont les oppositions ont refusé de débattre, lundi 11 décembre, à l’Assemblée nationale, dépasse le sujet incriminé : contrairement au projet de loi reportant l’âge de départ à la retraite qui était très impopulaire, ce texte était soutenu à la fois dans son équilibre et dans le détail des mesures par une majorité de Français. Et, lorsque la motion de rejet a été votée à cinq voix près, 60 % d’entre eux ont estimé que le gouvernement et les oppositions se devaient de trouver un compromis, selon un sondage Elabe – BFM-TV publié le 13 décembre.

Ce hiatus entre l’opinion et le jeu politique dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale interroge la capacité de la Ve République à survivre en l’absence de majorité absolue et en présence de forces d’opposition qui, par nature, intérêt ou calcul, sont rétives à toute idée de compromis.

L’expérience menée depuis juillet 2022 n’autorise pas de conclusions définitives : 61 textes ont été adoptés dont 56 sans recours à l’article 49.3 de la Constitution, ce qui veut dire que le gouvernement est parvenu à trouver une majorité, tantôt avec une partie de la gauche, le plus souvent avec Les Républicains (LR), sur des projets loin d’être anodins (justice, police, armée, relance du nucléaire, etc.). Mais, sur les textes financiers, Elisabeth Borne a dû systématiquement, soit vingt-deux fois depuis sa nomination, engager la responsabilité du gouvernement. La première ministre essuyant à chaque fois le même procès en corsetage du Parlement.

La dissolution, une arme trop risquée

Sur deux projets de loi emblématiques – la retraite et l’immigration –, l’exécutif n’est pas parvenu à trouver un accord avec la droite. Il en a résulté dans les deux cas un affaiblissement du pouvoir présidentiel symboliquement éprouvé dans sa double capacité d’entraînement et de riposte : le recours au 49.3 pour porter l’âge du départ à la retraite à 64 ans a été perçu comme un passage en force, une violence faite au Parlement et à la majorité des Français qui combattaient le texte, alors même que celui-ci faisait partie du projet présidentiel sur lequel a été réélu Emmanuel Macron.

La coalition des oppositions contre le projet de loi relatif à l’immigration a été le moyen d’ébranler le « en même temps », devenu le symbole du macronisme : les soutiens du chef de l’Etat défendaient un volet répressif sur les expulsions et une main tendue pour les travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. La droite et la gauche leur ont signifié ne pas trouver leur compte dans l’énoncé de cet équilibre. Et, lorsque l’Elysée a cherché la riposte, celle-ci a consisté à prier le gouvernement et les parlementaires de surmonter ce blocage par un « compromis intelligent », quitte à ce qu’en cas d’échec le projet de loi soit finalement abandonné. Recourir à l’arme de la dissolution était bien trop risqué.

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