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Voiture électrique : une démocratisation difficile

La bagnole ? « Moi, je l’adore ! », avait déclaré Emmanuel Macron lors d’une interview télévisée le 24 septembre. Cette passion a sans doute incité le chef de l’Etat à annoncer lui-même, jeudi 14 décembre, le lancement d’un dispositif pour rendre accessible le véhicule électrique (VE) aux plus modestes, une promesse de la campagne présidentielle de 2022.

La durée de gestation du projet en dit long sur la complexité de l’équation à résoudre. Il s’agit de démocratiser l’usage du VE, privilégier le « made in France », le tout dans une enveloppe financière supportable pour le budget de l’Etat et compatible avec l’offre des constructeurs. Dans le domaine automobile, l’« écologie à la française » que le président appelle de ses vœux tient de la quadrature du cercle.

A partir du 1er janvier 2024, il sera possible, selon les revenus du bénéficiaire et l’usage qu’il fait de son véhicule, de souscrire une location longue durée à moins de 100 euros, l’Etat prenant en charge l’apport initial versé au loueur. Parallèlement, un bonus de 5 000 euros sera proposé pour l’achat d’un VE de moins de 47 000 euros. Le point commun entre ces deux offres : elles seront réservées aux véhicules affichant le meilleur bilan carbone, un moyen d’écarter les modèles fabriqués hors d’Europe.

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Cette stimulation de la demande de VE risque toutefois se heurter à la réalité du marché actuel. Ces dernières années, les constructeurs n’ont cessé de monter en gamme. Acheter un véhicule neuf est devenu hors de portée pour une part croissante de la population. Cette tendance s’est renforcée avec l’électrification de l’offre : une voiture électrique coûtant plus cher à fabriquer que son équivalent à moteur thermique.

L’avance déterminante de la Chine

Avec un prix moyen de 65 000 euros, l’offre des constructeurs européens est en complet décalage avec l’objectif de massifier l’usage de l’électrique, et ce malgré les aides. Renault assume de s’être focalisé sur le milieu de gamme, qui dégage de meilleures marges, et de n’avoir pas renouvelé la Zoe, petite citadine lancée il y a plus de dix ans. La R5 électrique ne sera pas disponible avant la fin de 2024, et la future Twingo n’est qu’un projet. Citroën grillera la politesse à son concurrent avec sa ë-C3, mais la commercialisation ne débutera qu’en avril. Quant au prix de la Peugeot e-208, il avoisine les 35 000 euros hors bonus.

Faute d’une offre adaptée, il est peu probable que le leasing à 100 euros bouleverse le marché. Le problème est que les véhicules les plus abordables sont souvent d’origine chinoise. Entre la volonté de rendre accessible le VE à un maximum de Français et la nécessaire vigilance sur la souveraineté industrielle, le gouvernement est confronté à un sérieux dilemme.

La Chine a développé une stratégie différente de l’Europe en subventionnant massivement le segment de l’entrée de gamme. Celui-ci représente aujourd’hui plus du tiers des ventes en Chine. Le pays a ainsi pris une avance déterminante qui lui permet de proposer des modèles attractifs et bien moins chers. Alors que le marché chinois plafonne, les constructeurs locaux sont désormais prêts à déferler sur une Europe mal préparée à la démocratisation de l’électrique.

Telle la ligne Maginot, le dispositif imaginé par le gouvernement, en apparence protecteur, reste facilement contournable. La plupart des marques chinoises ont des projets d’implantation industrielle en Europe, ce qui permettra à leurs modèles d’être éligibles aux aides publiques. L’« écologie à la française » pourrait être tôt ou tard obligée de composer avec la concurrence chinoise.

Le Monde

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