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Patrick Artus : « Malgré le triomphalisme affiché sur les maigres résultats obtenus, réindustrialiser la France ne sera pas facile »

Le gouvernement français s’est fixé pour objectif de réindustrialiser la France, à partir d’une situation où l’industrie manufacturière ne représente plus dans l’Hexagone que 10 % de la valeur ajoutée et 9 % de l’emploi total. La loi du 24 octobre sur l’industrie verte prône la création d’une industrie pour la transition énergétique (batteries électriques, pompes à chaleur, électrolyseurs pour la production d’hydrogène vert, capture et stockage de carbone…), avec pour but la décarbonation de l’industrie française.

Cette loi réduit les délais pour réaliser des implantations industrielles et la dépollution de sites industriels, crée un crédit d’impôts pour les investissements dans les industries vertes, réoriente la commande publique vers les entreprises vertueuses du point de vue de l’environnement et développe la formation d’ingénieurs et de techniciens. Malheureusement, il faut craindre que la réindustrialisation de la France reste limitée, tant sont nombreux les facteurs qui la pénalisent.

Certes, l’emploi industriel a progressé de 62 000 salariés depuis 2017, mais il s’agit d’abord de la conséquence du recul de la productivité de l’industrie, et non d’un redressement de l’activité de l’industrie : la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière est aujourd’hui de près de 10 % inférieure à son niveau du milieu de 2019, et au même niveau qu’en 2006. Le déficit de la balance commerciale pour les produits manufacturiers atteint presque 100 milliards d’euros en 2022, et se dégrade continuellement ; la dernière année où elle était équilibrée remonte à 2006.

Coût de rattrapage

Le premier obstacle à une véritable réindustrialisation de la France est le niveau élevé des coûts de production. Par exemple, relocaliser des productions industrielles depuis la Chine revient à doubler le prix de production ; le prix du gaz naturel est quatre fois plus élevé en France qu’aux Etats-Unis. Le coût horaire du travail est 18 % plus élevé en France que la moyenne de l’Union européenne, 11 % plus élevé qu’au Royaume-Uni, trois fois plus élevé qu’en Pologne, en Slovaquie ou en Hongrie, cinq fois plus élevé qu’en Roumanie. Relocaliser ou développer l’industrie dans un pays où les coûts de production sont élevés est évidemment difficile.

Le deuxième obstacle est que la France ne dispose pas de ressources en matières premières industrielles (terres rares, cuivre, nickel, fer…). Cela génère un désavantage par rapport aux pays qui en disposent (Chine, Brésil, Russie, Canada, Inde, Indonésie…), et une dépendance en cas de conflit autour de l’accaparement des réserves de matières premières.

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