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Projet de loi « immigration » : les leçons d’un crash

Neuf mois après l’adoption au forceps de la réforme des retraites, le gouvernement a redécouvert à quel point il était fragile. Le coup d’arrêt que lui ont infligé les oppositions, lundi 11 décembre, à l’Assemblée nationale, en se coalisant contre le projet de loi sur l’immigration qu’elles ont refusé de discuter, est un coup dur. Il signe l’échec du ministre de l’intérieur mais pas seulement.

Venu des rangs du parti Les Républicains (LR), fin connaisseur des arcanes parlementaires, Gérald Darmanin s’était fixé comme défi de faire adopter le texte en concédant d’abord beaucoup à la droite sénatoriale, avant de tenter un rééquilibrage à l’Assemblée nationale pour ne pas perdre son aile gauche.

Toutes les tractations engagées ces dernières semaines ont volé en éclats lorsque l’extrême droite, suivie par la quasi-totalité des députés de LR, a décidé de voter la motion de rejet défendue par les écologistes et soutenue par l’ensemble de la Nupes. En un vote qui s’est joué à cinq voix près, tout s’est effondré : l’illusion que le gouvernement, à force d’écoute et de palabre, parviendrait à tenir les deux bouts, un volet répressif sur les expulsions et une main tendue pour les travailleurs immigrés ; la capacité du président de la République à inscrire dans le temps long le « en même temps » qui lui tient lieu de doctrine depuis 2017 ; les espoirs politiques d’un ministre qui entendait se servir de l’adoption du projet de loi comme d’une rampe de lancement pour la présidentielle de 2027.

Après avoir reconnu qu’il avait perdu la partie, Gérald Darmanin n’en a pas moins été conforté à son poste par le chef de l’Etat, qui a demandé à la première ministre de lui fournir rapidement des propositions susceptibles de lever les blocages.

Aucun allié fiable

Le projet de loi n’est pas enterré, mais le gouvernement a de moins en moins la main, cerné par une coalition des contraires davantage enclins à abattre les fondements du macronisme qu’à défendre une cohérence. Sur un sujet aussi clivant que l’immigration, entendre tous les groupes de la Nupes vanter leur esprit d’ouverture et leur souci d’humanité avant d’admettre sans sourciller que le RN et la droite votent la même motion sur une position de fermeture et de rejet a quelque chose de profondément dérangeant.

Si texte final il y a, « il risque d’être durci par la droite », a concédé le communiste Fabien Roussel, qui, plus lucide que ses partenaires, parle de « victoire relative ».

La polarisation croissante fait le jeu de Marine Le Pen. Sur l’immigration, elle tient à sa merci les députés de LR et réussit par ricochet à mettre en difficulté le gouvernement. Au fil des mois, Eric Ciotti, le président de LR, s’est tellement aligné sur les thèses du RN qu’il devient de plus en plus difficile de distinguer les deux projets. La dérive n’est pas seulement mortifère pour la droite républicaine. Elle est problématique pour Emmanuel Macron, qui ne dispose d’aucun allié fiable pour consolider sa fin de mandat.

Dans l’état de faiblesse dans lequel il se trouve, le président de la République n’est pas entièrement démuni. Il peut tenter d’engager la bataille de l’opinion et s’appuyer sur les attentes des Français pour fustiger les jeux politiciens. Contrairement au projet de loi sur les retraites, le texte sur l’immigration bénéficierait d’un fort soutien, à en croire les sondages. C’est le seul atout qui lui reste entre les mains.

Le Monde

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