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La médecine narrative, l’art d’écouter son patient pour mieux le soigner

Que comprenez-vous de ce texte ? Qui est le personnage principal ? Que veut dire l’auteur ? Assise en cercle, une petite assemblée écoute avec attention la lecture d’un passage du Livre des jours, de l’écrivain égyptien Taha Hussein. Les mots émergent. Une consigne est ensuite donnée : « Composez, à la manière de l’auteur, une liste de sensations que vous percevez en ce moment, en ayant recours à des métaphores. » Ceux qui le souhaitent lisent leur texte, puis s’ensuit un temps d’échange.

Un atelier d’écriture pour futurs romanciers ? Pas du tout ! Nous sommes à Bordeaux et ce soir de novembre, Isabelle Galichon, docteure en littérature comparée et chercheuse à l’Institut de médecine intégrative et complémentaire du centre hospitalier universitaire (CHU), anime un atelier de médecine narrative. Ils sont une vingtaine, en présentiel ou à distance : des soignants du CHU de Bordeaux et d’ailleurs (infirmiers, médecins, secrétaires médicales…), et pour la première fois ce jour-là, des chercheurs en sciences humaines et sociales. Le choix de l’autobiographie de Taha Hussein, frappé de cécité à l’âge de 3 ans, n’est pas anodin. Le thème de l’atelier est « la beauté du vulnérable ».

De la narration en médecine ? Pour le néophyte, cela sonnerait presque comme un oxymore. Et pourtant… La médecine narrative ou médecine fondée sur le récit du patient est une discipline clinique et académique. Elle a officiellement vu le jour à l’université Columbia, à New York. Elle s’inscrit dans le cadre du développement des humanités médicales depuis les années 1970 aux Etats-Unis. Rita Charon, 74 ans aujourd’hui, médecin interniste et passionnée de littérature – elle est titulaire d’un doctorat de littérature consacré à Henry James –, en est la conceptrice. Elle donne aussi à cette compétence sa définition : « Reconnaître, absorber, interpréter et être ému par les histoires des personnes malades. » En octobre 2001, elle emploie pour la première fois ce terme dans une étude publiée dans le JAMA. Tout est dans le titre : « Médecine narrative, un modèle d’empathie, de réflexion et de confiance ». « Ce que je faisais en tant que lectrice, je voulais aussi le faire avec mes patients », dit-elle.

A l’heure où, enquête après enquête, les soignants disent souffrir des conditions dans lesquelles ils exercent leur métier et d’isolement dans leur pratique, pendant que les patients, eux, les accusent souvent de manquer d’écoute, d’empathie, voire d’humanité, cette sorte d’art de l’écoute prend tout son sens.

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