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Christine Lagarde, une banquière centrale si politique

La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, lors de la remise d’un diplôme de docteure honoris causa, à la London School of Economics, à Londres, le 15 juin 2022.

Le 20 juin 2018, le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI), présidé par Christine Lagarde, prend une décision qui fait sérieusement tiquer en interne. Un prêt de 44 milliards de dollars (près de 41 milliards d’euros), qui sera ensuite allongé à 57 milliards de dollars − à l’époque le plus élevé de l’histoire du Fonds −, est accordé à l’Argentine. Dans les couloirs du FMI, le malaise règne : une telle somme est beaucoup trop élevée pour un pays aussi fragile, qui risque de ne pas réussir à le rembourser. « L’Argentine va exploser, et avec elle le FMI », s’inquiète alors un haut responsable de l’institution. Pour faire passer cet accord dans la grille d’analyse officielle, les équipes du FMI ont utilisé des hypothèses de croissance qui se révéleront profondément irréalistes.

Ces inquiétudes se sont concrétisées. L’Argentine a fait une nouvelle fois défaut sur sa dette en 2020. Elle traverse aujourd’hui une grave crise économique et sociale, qui a mené à l’élection du populiste libertaire Javier Milei, le 19 novembre.

Au sein du FMI, les remous provoqués par cette décision de 2018 ont incité l’instance d’audit interne, l’Independent Evaluation Office, à lancer discrètement en juillet une enquête sur ce prêt « d’une taille sans précédent ». Elle doit rendre son rapport d’ici à fin 2024 et notamment s’intéresser au « contexte dans lequel l’arrangement a été mis en place ».

La bonne personne au bon moment

Le « contexte » en question était la situation politique argentine. Le président de l’époque, le libéral Mauricio Macri, était en difficulté à un an des élections et avait besoin d’aide. A la Maison Blanche, le président Donald Trump en avait fait un allié et appuyait pour que le FMI fasse un effort. Signe que la décision de l’institution financière était éminemment politique, l’essentiel du prêt a été versé très rapidement, avant la tenue du scrutin.

Selon nos informations, Mme Lagarde a tout fait en interne pour que ce prêt soit approuvé. « Elle a fait de la politique, comme tous les autres dirigeants du FMI », fulmine Chris Marsh, ancien économiste de l’institution. Aujourd’hui, un porte-parole de Mme Lagarde rappelle que le prêt a été « approuvé par le conseil d’administration ».

Cette habileté politique, à l’équilibre exact des différents intérêts, est le fil rouge qui guide sa carrière. L’année suivante, en 2019, sa nomination à la tête de la Banque centrale européenne (BCE) relevait d’un jeu de pouvoir entre les leaders européens : à l’Allemagne la Commission, en la personne d’Ursula von der Leyen ; à la France la BCE. L’excellent réseau de la Française auprès des puissants de ce monde, et sa grande proximité avec Angela Merkel − avec laquelle elle s’est même retrouvée à faire la vaisselle un soir de match de Coupe d’Europe 2021 −, lui ont permis d’être la bonne personne au bon moment.

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