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Le manchot qui dort 10 000 fois par jour

Sur l’île du Roi-George, en Antarctique, les manchots à jugulaire acquièrent de grandes quantités de sommeil par fractions de quelques secondes.

On appelle cela une sieste napoléonienne. De dix à vingt minutes de sommeil réparateur, et vous voilà prêt à envahir l’Autriche ou, plus modestement, à vous contenter de nuits de quatre heures. Pas de quoi pavoiser pour autant. « Napoléon, petit joueur », s’amuse même Paul-Antoine Libourel, ingénieur de recherche CNRS au Centre de recherche en neurosciences de Lyon.

Le scientifique a signé, vendredi 1er décembre, dans la revue Science, un article au résultat assez stupéfiant. Lui et ses collaborateurs ont découvert que, dans l’Antarctique, le manchot à jugulaire dormait par sessions moyennes de quatre secondes. Beaucoup de sessions, il est vrai : l’oiseau en enchaîne environ 10 000 par jour pour un total de onze heures de sommeil quotidien. Des observations qui explosent tous les relevés répertoriés jusqu’ici.

Ce constat record traduit d’abord une prouesse technique, humaine celle-là. Il y a quelques années, l’ingénieur a mis au point un « polysomnographe » miniature, qui lui a valu la médaille de cristal de l’innovation du CNRS en 2021. Sur une carte de 2 centimètres par 1 centimètre, il peut enregistrer l’activité cérébrale, cardiaque, musculaire et oculaire d’un animal. « Comme dans une clinique du sommeil mais miniaturisé », résume-t-il. S’y ajoute un second appareil, à peine plus grand, un mini-GPS, capable de relever la position de l’animal mais aussi ses mouvements, la température extérieure et la pression. Enfin, il peut stocker ces informations pendant quelques jours, voire quelques semaines. Un petit bijou qui a attiré l’attention du professeur Won Young Lee, à l’Institut de recherche polaire d’Incheon, en Corée du Sud. Ce biologiste marin étudie les oiseaux de l’Antarctique et souhaitait comprendre à quoi correspondait le clignement des yeux qu’il observait chez les manchots à jugulaire. « Il m’a contacté et nous avons décidé de collaborer », raconte le Français.

Quelques obstacles se présentaient à eux. D’abord, s’assurer que les dispositifs, collés sur les oiseaux, résisteraient aux températures extrêmes et aux plongées à plusieurs centaines de mètres de profondeur. Ensuite, équiper les animaux. Et, enfin, espérer les recapturer pour relever les données. Des vingt manchots appareillés, dix-neuf ont été retrouvés et quatorze ont livré l’ensemble des informations désirées, à savoir onze journées complètes, enregistrées en décembre 2019. Avec, à la clé, des révélations impressionnantes.

« Somnolence perpétuelle »

A commencer par l’extrême brièveté des « siestes » : 75 % des épisodes durent moins de dix secondes, pour une moyenne de quatre secondes. Des séquences au cours desquelles les deux hémisphères cérébraux dorment souvent, comme chez les humains, mais aussi fréquemment un seul hémisphère, l’autre restant en éveil. Autre enseignement : pas de nuit, ni de jour, mais une sorte de « somnolence perpétuelle », d’alternance constante entre éveil et sommeil, en position couchée ou debout, peu importe.

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