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Nouvelle-Calédonie : le malaise des métis dans une société coupée en deux

C’est un argument employé par l’Etat pour tenter de trouver un compromis dans les discussions politiques sur le futur statut de la Nouvelle-Calédonie, censées aboutir à la fin de l’année : la société néo-calédonienne a changé depuis les violences des années 1984-1988, notamment en raison de son plus grand métissage, et elle ne veut plus s’inscrire dans les affrontements binaires hérités de l’histoire coloniale – Européens contre Kanak, Blancs contre Noirs, loyalistes contre indépendantistes.

Mais le métissage peine à trouver sa traduction politique, et la question ethnique demeure sensible en Nouvelle-Calédonie. L’histoire pèse, comme le rappelle Isabelle Merle, chercheuse au CNRS, spécialiste de la colonisation, qui donnait une conférence intitulée « Faire peuple ? » à Nouméa, le 23 novembre. Le projet néo-calédonien du début du XXe siècle était particulièrement inspiré des white societies, en particulier du voisin australien, voyant d’un très mauvais œil le mélange des Blancs avec les « indigènes », rappelle-t-elle. Cette vision a conduit à effacer le métissage dans une sorte de compétition entre races fantasmées, ou à ancrer de nombreux préjugés qui subsistent dans la Nouvelle-Calédonie d’aujourd’hui.

L’anthropologue Dany Dalmayrac, lui-même métis kanak, a proposé une analyse de ces idées frappant les personnes issues d’unions entre descendants d’Européens et de Kanak dans son essai La Condition des métis kanak en Nouvelle-Calédonie (Ecumes du Pacifique, 2022). Selon lui, les métis demeurent « instrumentalisés » par un monde politique qui veut se défendre de tout racisme.

Le chercheur s’inquiète des similitudes entre la situation actuelle et celle des années 1970, imprégnée de la « doctrine Messmer ». Alors premier ministre, Pierre Messmer écrivait en 1972 au secrétaire d’Etat aux DOM-TOM que la Nouvelle-Calédonie, « colonie de peuplement, bien que vouée à la bigarrure multiraciale, est probablement le dernier territoire tropical non indépendant au monde où un pays développé puisse faire émigrer ses ressortissants ». Cette circulaire, devenue célèbre, visait à prôner le maintien de l’archipel dans le giron français.

« Fracture intérieure »

Selon M. Dalmayrac, l’identité métisse kanak existe bien, mais elle peine à prendre conscience d’elle-même et à se structurer. Le groupe représenterait au minimum 20 % de la population, d’après ses calculs, alors que les chiffres officiels recensent 11,3 % de métis en 2019. En Nouvelle-Calédonie, les statistiques ethniques ont été autorisées dans le but de mesurer le rééquilibrage socio-économique en faveur des Kanak, acté par les accords de Matignon, en 1988, et de Nouméa, dix ans plus tard. La catégorie « métis » est apparue dans les questionnaires du recensement de 2009.

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