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« Que perdure, en France, un dialogue social dysfonctionnel est une aberration »

On a coutume de présenter le dialogue social tripartite comme une solution. Rien ne semble plus efficient, en effet, que d’inviter à une table de négociation employeurs, syndicalistes et représentants de l’administration centrale, pour qu’ils inventent ensemble des solutions aux problèmes socioproductifs, après une confrontation méthodique d’arguments, et négocient des compromis raisonnables.

Mais ce jeu à trois est dysfonctionnel : le dialogue social français – tant dans sa conception que dans son organisation – semble être devenu lui-même le problème, pour au moins trois raisons.

Premièrement, la confusion entre temps social et temps politique. Que les temporalités soient différentes entre un exécutif gouvernemental qui ne dispose plus d’une majorité à l’Assemblée nationale, mais souhaite coûte que coûte apparaître comme un législateur stakhanoviste, et un conglomérat de forces syndicales et patronales qui doivent se mettre d’accord dans leur propre camp avant de prétendre s’accorder sur des thématiques communes, cela semble évident. Pourquoi, alors – et ce scénario se répète chaque année –, imposer des dates butoirs draconiennes aux négociateurs syndicaux et patronaux en les menaçant de reprendre la main, c’est-à-dire de légiférer ou de réglementer à leur place ?

Occasion manquée

La première ministre, Elisabeth Borne, a déclaré, début novembre, renoncer à imposer aux partenaires sociaux gérant la caisse complémentaire de retraite Agirc-Arrco la ponction d’une part de ses excédents, résultant d’une gestion paritaire rigoureuse, mais solidaire. Elle a cependant repris cette vieille ritournelle gouvernementale : intimer aux partenaires sociaux d’ouvrir rapidement une négociation pour financer les mesures annoncées par l’exécutif en faveur des « petites retraites », sous peine que l’Etat ne confisque lui-même ces excédents. La manœuvre est malhabile : l’autonomie des partenaires sociaux n’est pas à géométrie variable.

Deuxièmement, il n’existe aucun espace permanent d’échange politique et de concertation entre syndicats, patronat et Etat où les enjeux d’emploi, de qualité de vie au travail et de relations sociales seraient définis, les scénarios discutés, des expérimentations décidées. Ce ne sont pas des « conférences sociales », convoquées quand l’agenda du gouvernement le permet, qui peuvent en tenir lieu. Chaque organisation y participe avec sa liste de revendications, puis attend les annonces de Matignon, pour ensuite faire part de son insatisfaction.

Ce jeu social, ritualisé à l’excès, est improductif. Il ne permet pas l’élaboration d’un diagnostic partagé, ni la nécessaire confrontation des points de vue, encore moins l’accord de tous autour de quelques solutions combinées, inscrites dans des compromis pragmatiques mobilisant des techniques de concession, d’échange, de compensation et d’innovation.

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