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De la main de Mme Röntgen aux entrailles des volcans, l’épopée de l’imagerie

C’est une photo en noir et blanc teintée d’ambivalence. Le squelette d’une main menue, portant une bague, apparaît spectral et déformé sur un cliché assez flou. Malgré ses imperfections, l’image est extrêmement célèbre. Prise le 22 décembre 1895, elle constitue la première radiographie aux rayons X de l’histoire de l’humanité. Il s’agit de la main d’Anna Bertha Ludwig, l’épouse de Wilhelm Röntgen, le découvreur des rayons X (qui recevra pour cela le premier prix Nobel de physique, en 1901). On peut voir de la complicité dans ce « portrait de main » qu’un physicien fait de sa femme, mêlée d’une tendresse maladroite, tant ce cliché constitue en même temps un très moderne memento mori. A ce propos, on rapporte qu’Anna Bertha aurait affirmé, après avoir vu ce cliché : « J’y ai vu ma propre mort. »

Cette expérience intime a été partagée par énormément de monde, car l’imagerie par rayons X s’​est, depuis, à la fois banalisée et perfectionnée, culminant aujourd’hui dans la tomographie (appelée « scanner » dans le milieu médical), où une multitude de clichés pris tout autour du sujet permet de reconstruire des images tridimensionnelles. Evidemment, cette technique n’a pas été réservée aux seules applications médicales, et les physiciens se servent abondamment de la tomographie X pour sonder la matière jusqu’aux échelles microscopiques. La fertile imagination des scientifiques ne s’est pas arrêtée là, et ils se sont demandé si le principe même de la radiographie X ne pourrait pas être adapté à d’autres entités physiques.

A bien y réfléchir, l’équation est subtile : il faut que les intrus interagissent assez peu avec la matière pour pouvoir la traverser, mais suffisamment pour produire du contraste selon la quantité et la nature des matériaux rencontrés, et pouvoir être captés efficacement sur un support sensible. Cette subtilité n’a pas découragé les physiciens, qui ont adapté avec succès cette technique d’imagerie aux muons (et plus récemment aux neutrinos), des particules qui elles aussi traversent la matière en ignorant largement le droit de la propriété privée. Alors que les rayons X sont des photons, comme notre lumière naturelle (mais plus énergétiques), le muon est une particule dotée d’une masse, une sorte d’électron superlourd (207 fois plus) qui se désintègre rapidement en un électron et deux neutrinos.

Cavités inconnues

Sur la Terre, ils sont produits en haute atmosphère par des collisions ultraénergétiques de particules cosmiques avec notre atmosphère. Grâce à leur très grande vitesse et aux lois de la relativité, leur durée de vie se trouve, du point de vue des observateurs terrestres, suffisamment allongée pour qu’ils atteignent la surface de la Terre et soient détectables. Las ! Le muon ne profite pas de cette dilatation des durées, car, de son point de vue, son passage en ce bas monde ne dure que 2 microsecondes ! L’Américain Luis Alvarez (Prix Nobel de physique en 1968) eut, dans les années 1950, l’idée d’utiliser cette douche muonique, peu abondante (170 muons par mètre carré et par seconde) mais constante, pour réaliser des images de l’intérieur de ces tombeaux géants que sont les pyramides d’Egypte, pour lesquelles une durée d’expérience de plusieurs mois n’est pas un problème. Cette « muographie » a permis, par exemple, de découvrir à partir de 2016, dans la pyramide de Kheops, de grandes cavités inconnues jusqu’alors, et dont la fonction nous échappe encore…

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