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« Dédiabolisation » dans « Le Monde », une stratégie gagnante pour le Rassemblement national

Bien au-delà de l’automne, l’image fera date. Dimanche 12 novembre, parmi la centaine de milliers de personnes marchant à Paris « pour la République et contre l’antisémitisme », Marine Le Pen, chef de file des quatre-vingt-huit députés Rassemblement national, a défilé, en fin de cortège, aux côtés de Jordan Bardella, président du RN, et d’élus du parti d’extrême droite ceints de leur écharpe tricolore.

Une « présence sidérante », a estimé le même jour dans Le Monde, l’historien Grégoire Kauffmann, pour qui « un plafond de verre a explosé ». « La nouveauté incroyable, souligne-t-il, c’est bien sûr le fait que le RN ait été convié à rejoindre la grande famille républicaine » et cette marche civique lancée par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Dans une chronique publiée le lendemain, Solenn de Royer relève que « plusieurs responsables politiques », dont Edouard Philippe et Nicolas Sarkozy, ont avalisé « sans sourciller » la présence du RN. « Même si elle a fait profil bas, Marine Le Pen peut d’ores et déjà engranger des gains politiques, analyse la journaliste, son parti politique ayant franchi une étape supplémentaire dans le processus de dédiabolisation qu’elle a mis en place. »

« Contre-offensive théorique »

Le mot « dédiabolisation » apparaît pour la première fois dans les pages du Monde le 2 septembre 1989. Sous la plume d’Olivier Biffaud, le néologisme s’accompagne de guillemets, tout sauf un détail. « Le Front national a été “diabolisé” depuis plusieurs années. Il entreprend maintenant sa “dédiabolisation”. Tel est, en substance, le message que les dirigeants du mouvement d’extrême droite tentent de faire passer auprès de leurs cadres depuis le début de l’université d’été qu’ils tiennent à La Baule », résume l’envoyé spécial en Loire-Atlantique. Le concept a donc été créé par le FN, ancêtre du RN. Bruno Mégret, alors délégué général du parti, est l’un des artisans de cette « contre-offensive théorique ».

Dans son article, Olivier Biffaud ne rappelle pas ce que tout lecteur de l’époque sait : ­Jean-Marie Le Pen, patron historique du FN, a suscité l’indignation, en 1987, en qualifiant les chambres à gaz de « détail » de la seconde guerre mondiale. Puis, l’année suivante, après ses 14,5 % au premier tour de l’élection présidentielle, en renommant un ministre « Monsieur Durafour-crématoire ». Le journaliste note que, à La Baule, les dirigeants du FN se sont attaqués à « l’égalitarisme » et à la « pseudo-philosophie des Lumières ».

Le néologisme disparaît des pages du Monde jusqu’au 3 décembre 1995. Il sera utilisé une trentaine de fois au fil des années 2000. A la manœuvre, depuis plus d’un quart de siècle, de cette vaste entreprise de « dédiabolisation », Marine Le Pen. En juillet 2002, après le choc du 21 avril et la présence de son père au second tour de la présidentielle, balayé par Jacques Chirac et le front républicain, la benjamine de Jean-Marie Le Pen prend la tête de Génération Le Pen.

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