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« L’avenir de la recherche européenne se joue aujourd’hui à l’Est »

Le 9 novembre, la Commission européenne a donné à l’Ukraine et à la Moldavie un avis favorable à l’ouverture des négociations d’adhésion et accordé le statut de candidat à la Géorgie. La nouvelle est passée presque inaperçue à Paris. On se serait lassé de parler de ces pays lointains.

L’Ukraine fait face à l’agression militaire massive de la Russie depuis plus de vingt mois, et la petite musique de la « fatigue » commence à se faire entendre. On parle d’enlisement du conflit, de front bloqué, voire d’impasse… Face aux violences qui surgissent en d’autres points chauds, tout aussi dramatiques, la guerre en Ukraine passerait au second plan. Pourtant, pour tous les chercheurs, historiens et sociologues spécialistes de l’Ukraine, de la Russie, du Caucase, de l’Asie centrale, comme pour leurs collègues ukrainiens, la fatigue n’est pas de mise.

La guerre rend plus difficile mais plus que jamais nécessaire la production de savoirs sur ces sociétés et ces Etats, qui sont en train de se transformer très rapidement, comme s’étaient transformées les sociétés française, britannique ou allemande dans leurs guerres passées. La guerre n’est pas une parenthèse que nous pourrions oublier ou refermer. Les phases militaires varient en intensité, mais, à l’ombre de l’imprévisible des armes, c’est aujourd’hui que se construit une nouvelle Europe de l’Est.

Des chercheurs français en Ukraine

En Ukraine, d’abord, il est urgent de renforcer nos programmes de coopération et nos projets de recherche à long terme. La dynamique est lancée. Nous développons de nouveaux réseaux qui nous permettent d’inviter, dans nos centres de recherche, d’excellentes historiennes ou sociologues ukrainiennes qui, plus que jamais, sont mobilisées pour produire des connaissances sur leur société.

Leurs conditions de travail et leurs vies personnelles sont directement bouleversées par la situation de guerre. Leurs maris et leurs frères sont au front. Poutine a détruit leur quotidien, transformé en soldats des étudiants en design, en expertes du bombardement aérien des historiennes du XIXe siècle, en spécialistes de l’accompagnement des victimes des sociologues de la ville. Pourtant, ces collègues continuent à enseigner, à collecter des données, à publier des recherches, tout en préparant les nouvelles universités européennes de Kharkiv, Kherson, Donetsk, Marioupol.

Fatigués mais inlassables, ils travaillent car ils savent que c’est l’après-guerre qui se joue aujourd’hui, la possibilité d’un avenir pour leurs étudiants. Ils viennent se former dans les universités françaises, tchèques, allemandes. Ils nous obligent chaque jour à considérer comment l’Europe change, et devra changer, avec eux. Pour que ces coopérations soient pleines et entières, solides et durables, ces échanges doivent désormais être réciproques. Nous devons urgemment lever les barrières administratives qui interdisent aux chercheurs français d’aller en Ukraine, pour construire les partenariats universitaires et scientifiques de demain.

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