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Gilles Cohen, créateur d’énigmes et infatigable passeur de mathématiques, est mort

Gilles Cohen, à Paris, en mars 1998.

Lors de notre première rencontre, il y a plus d’un quart de siècle, Gilles Cohen n’avait pas résisté à la tentation de nous proposer une petite énigme, pour expliquer ce qui avait poussé ce professeur de mathématiques au lycée Saint-Louis (Paris) à créer, dix ans plus tôt, en 1986, le premier championnat de jeux mathématiques. « Dans un village chinois, 33 familles ont chacune une, deux ou trois bicyclettes. Sachant qu’il y a autant de foyers possédant un ou trois vélos, combien y a-t-il de bicyclettes dans le village ? » Il y a trois méthodes pour résoudre cette énigme, et Gilles Cohen regrettait que l’éducation nationale privilégie le plus souvent la plus académique, celle faisant appel à des équations, alors que les deux autres mobilisent tout autant esprit logique et intuition.

Mort soudainement le 19 novembre, à l’âge de 71 ans, Gilles Cohen était tout entier dans cette petite énigme retorse, ludique et éclairante, et dans les milliers d’autres qu’il a inventées dans sa carrière d’enseignant, d’organisateur de compétitions et de salons, et d’éditeur de revues mathématiques. Les lecteurs du Monde s’y sont frottés pour la première fois le mardi 21 janvier 1997, date de naissance d’« Affaire de logique », dont le problème n° 1, signé avec Elisabeth Busser, était intitulé « Désordre au bureau ». Cette chronique hebdomadaire titille toujours les amateurs de jeux mathématiques, chaque semaine, dans notre cahier « Science & médecine », depuis septembre 2011.

« Il n’était pas que mathématicien. C’était quelqu’un de très fin, très cultivé, en littérature et histoire de l’art, se souvient Elisabeth Busser. Il savait s’attirer des sympathies et assurer la cohésion d’une équipe. » Elle l’avait rencontré en 1991, lors d’une journée de rassemblement de professeurs de maths. Enseignante à Colmar, elle présidait alors l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public. Il lui avait proposé de collaborer à la revue Tangente, qu’il avait créée en 1987. Cette publication, sous-titrée « L’aventure mathématique », destinée aux lycéens, a été rejointe par plusieurs revues sœurs, dont sa variante pour les enseignants Tangente Education. Les éditions Pôle, qu’il avait fondées, publient aussi Jouer bridge, jeu auquel il excellait − « Il a participé aux championnats du monde », rappelle Elisabeth Busser.

Vulgarisateur dans l’âme

« Tangente était le premier magazine où l’on pouvait croiser les mathématiques, et beaucoup de lecteurs en gardent une image sentimentale, de déclencheur », témoigne Roger Mansuy, qui a découvert ce bimestriel lorsqu’il était élève en classe préparatoire, où il enseigne désormais. Il en est bien plus tard devenu un collaborateur régulier. « Gilles Cohen était hyperactif, on le croisait sur chaque événement mathématique, se souvient-il. Il a fait émerger des vulgarisateurs, des médiateurs et même des enseignants. »

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