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Henri Guaino et Aquilino Morelle : « Nous vivons la pire crise démocratique depuis les années 1930 »

L’un, toujours ponctuel, est en avance. L’autre arrive, essoufflé, avec un quart d’heure de retard. Aquilino Morelle, 61 ans, affiche un style chic et décontracté (veste en velours côtelé, col ouvert, baskets montantes) quand Henri Guaino, 66 ans, assume un classicisme bon teint (costume beige, cravate Hermès, mocassins noirs). Le premier plaisante, mutin, amusé par la circonstance. Le deuxième, à la fois plus tendu et plus sombre, esquisse des sourires furtifs dont on redoute qu’ils ne virent à la grimace si la discussion prend un tour qui l’agace.

Ils ont exercé la même fonction auprès de deux présidents de la République, avec le titre de « conseiller spécial » de Nicolas Sarkozy pour Henri Guaino (2007-2012) et de « conseiller politique » de François Hollande (2012-2014) pour Aquilino Morelle, car « un président normal ne peut pas avoir de conseiller spécial », avait justifié le président socialiste. Ils ont aussi occupé le même bureau, le salon d’angle, le plus beau de l’Elysée. Tous deux ont bataillé pour le garder, Henri Guaino menaçant de démissionner, Aquilino Morelle affrontant la directrice de cabinet. Assis dans le salon d’un hôtel parisien, où Le Monde les a fait se retrouver, Guaino s’esclaffe : « On a le même caractère ! »

Aquilino Morelle et Henri Guaino, à Paris, mardi 14 novembre 2023.

Si l’un a conseillé un président de droite, et l’autre, un président de gauche, ils ont tous deux le même ethos souverainiste – Guaino n’a jamais aimé le mot et Morelle le trouve « caricatural » chez ceux qui voudraient les disqualifier en les présentant comme des « scrogneugneux » arc-boutés sur le passé. N’ayant jamais cru à la mondialisation heureuse, ils savourent le retour en grâce, depuis la crise du Covid-19, du concept de souveraineté, tout comme les promesses de réindustrialiser le pays. Tous deux ont voté non aux référendums sur l’Europe de 1992 et de 2005, et jugent que le traité de Lisbonne de 2008, qui a avalisé le projet de Constitution européenne rejeté trois ans plus tôt par les Français, « a été vécu comme un désastre démocratique » et a « alimenté la poussée du RN [Rassemblement national] ».

Les deux ex-conseillers élyséens, qui ont rejoint depuis leur corps d’origine – l’inspection générale des affaires sociales pour Morelle, la Cour des comptes pour Guaino –, viennent de publier chacun un livre. Le premier (La Parabole des aveugles, Grasset, 288 pages, 20,90 euros), consacré au RN, pour tenter de comprendre les raisons de son essor, tout en s’inquiétant de la résignation qui semble avoir gagné les Français devant l’hypothèse, de plus en plus consistante, selon lui, de sa victoire dans quatre ans. Henri Guaino (A la septième fois, les murailles tombèrent, Rocher, 384 pages, 22,90 euros), pour analyser les fracturations des sociétés occidentales qui ont trop longtemps cru que leur modèle était invulnérable.

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