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Le dilemme du colibri pour franchir les obstacles : manœuvrer ou foncer

Un colibri de Delphine ou Brown Violetear (« Colibri delphinae »), dans la forêt nuageuse de San Antonio, près de Cali (Colombie), le 23 février 2018.

Tout le monde n’a pas la chance d’avoir des colibris dans son jardin. Mais l’aurions-nous vous et moi, pas sûr que nous aurions trouvé là matière à découverte scientifique. Marc Badger est biologiste à l’université de Berkeley. Depuis sa thèse, ces champions de l’agilité en vol que sont les colibris occupent une grande partie de ses recherches. Et c’est en observant leurs disputes territoriales autour de la mangeoire qu’une question l’a soudain saisi. « Je voyais le dominant chasser les intrus et ces derniers s’enfuir à travers une végétation qui me semblait très dense. Comment faisaient-ils pour passer ? » Dans un article publié le 9 novembre dans le Journal of Experimental Biology, lui et ses collaborateurs livrent une réponse tout à fait saisissante.

La solution peut paraître évidente. Pour traverser des ouvertures plus petites que son envergure, un oiseau n’a qu’à plier ses ailes. Sauf que le colibri ne peut pas le faire. Lui qui affiche à la base de ses ailes l’articulation active la plus rapide de tout le monde vertébré, qui a développé des compétences aériennes uniques lui permettant notamment de réaliser son fameux surplace, a payé la rançon de cette puissance : une absence d’articulations intermédiaires. Des épaules, donc, mais pas de coudes ni de poignets. Alors comment faire ?

Pour y voir clair, les chercheurs ont placé des colibris d’Anna – dont chaque aile mesure 12 centimètres – dans une volière munie d’une cloison centrale de séparation. Grâce à des gouttes de nectar, ils les ont motivés à traverser la muraille. Puis ils ont diminué la taille des trous : 12 × 12 cm, 12 × 8 cm, 12 × 6 cm, 8 × 8 cm, 8 × 6 cm et 6 × 6 cm. Le tout sous l’œil de caméras de pointe, dont ils ont ralenti et analysé les séquences.

Un modèle pour le design bio inspiré

A leur grande surprise, ils ont vu deux stratégies se dégager. Dans la première, les oiseaux approchent le trou prudemment puis le franchissent de côté, une aile après l’autre, en poursuivant continuellement leurs battements. L’analyse point à point a montré que si la seconde aile est toujours dirigée vers l’arrière du corps, la première prend des positions différentes, vers l’avant ou vers l’arrière. Et, à tout moment, l’oiseau peut rebrousser chemin.

La seconde stratégie est plus radicale : les colibris foncent, bille en tête, interrompent leurs battements, collent leurs ailes le long de leur corps… et passent. Ils ne recommencent à agiter leurs membres qu’une fois le goulot franchi.

Pourquoi deux techniques ? « Parce que ça leur permet d’arbitrer entre les différents risques, suivant la situation, explique Marc Badger. Si un prédateur, comme un chat, se trouve de l’autre côté, se précipiter à travers le trou est évidemment dangereux. Mieux vaut alors choisir la stratégie prudente. Mais à l’inverse, celle-ci fait courir un risque plus important de collision des ailes contre la paroi et d’usure. Donc, lorsque le terrain est sûr, ils préfèrent la roue libre. En outre, cette dernière stratégie est la seule possible quand le trou est vraiment trop petit. »

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