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« Il y a toujours eu une relation très étroite entre l’Etat indien et le capital privé »

Milan Vaishnav est le directeur du programme Asie du Sud de la fondation Carnegie Endowment for International Peace. Il est l’auteur de When Crime Pays : Money and Muscle in Indian Politics (« Quand le crime paie : argent et brutalité dans la politique indienne », non traduit, HarperCollins, 2017).

Historiquement, quels ont été les liens entre le monde des affaires et le monde politique en Inde ?

Nous avons longtemps eu l’impression qu’il existait une rupture nette entre la période prélibéralisation et la période postlibéralisation. Selon ce récit, avant 1991, l’Etat était très puissant et contraignait de manière importante la capacité du secteur privé à se développer et à créer des emplois. La seule manière de prospérer était de travailler avec l’Etat. Nous avons tendance à penser que 1991 marque la fin de ce qu’on appelle le « Licence Raj » [cette troisième voix entre communisme et libéralisme qui obligeait les entreprises privées à demander l’autorisation de l’Etat pour procéder à tout investissement nouveau] et le début de la libéralisation.

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Aujourd’hui, il est clair que cette histoire, que nous nous sommes racontée et que l’Inde a racontée au monde, est très simpliste. En réalité, l’Etat et les bureaucrates ont continué à jouer un rôle essentiel dans le façonnement du secteur privé et de son fonctionnement. Même après la libéralisation, l’Etat a décidé quelles entreprises intégreraient les secteurs nouvellement libéralisés, quelles entreprises bénéficieraient des intrants fournis par l’Etat, et comment se déroulerait la reréglementation.

Quelles en sont les conséquences ?

Pour les politiciens, il existe de nombreuses occasions de favoriser une poignée d’entreprises sélectionnées. En s’ouvrant à la concurrence étrangère, on crée des gagnants et des perdants, et, souvent, ces derniers sont les acteurs nationaux. Les hommes politiques sont donc tentés d’utiliser leur pouvoir pour créer des règles du jeu peu équitables qui favorisent les entreprises indiennes. Cela a d’ailleurs pour effet une grande concentration : les cinq plus grands conglomérats indiens présents dans l’industrie se sont massivement développés ces dernières décennies et leurs tentacules s’étendent dans de nombreux domaines de l’économie.

L’arrivée au pouvoir en 2014 du premier ministre indien, Narendra Modi, a-t-elle changé la donne ?

Il y a toujours eu une relation très étroite entre l’Etat indien et le capital privé. Cette relation a pris des formes nouvelles, mais elle n’a pas été abolie. L’industriel favorisé a changé, les politiciens ont changé, la forme des relations a changé, ce n’est pas une nouvelle histoire mais une nouvelle phase d’une très vieille histoire.

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