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Le chantier démocratique à l’épreuve des petits calculs

Destinées à créer du consensus autour du chantier de la rénovation démocratique, les « rencontres de Saint-Denis » ont pris, vendredi 17 novembre, une tournure nettement politicienne. Trois chefs de parti qui avaient participé à la première séance le 30 août, Manuel Bompard (La France insoumise, LFI), Olivier Faure (Parti socialiste, PS) et Eric Ciotti (Les Républicains, LR), ont décidé de boycotter la deuxième. Ils ont essuyé en retour les foudres du chef de l’Etat, qui a fait durer neuf heures les discussions avec ceux qui avaient au contraire choisi de rester autour de la table, soit les présidents des deux Assemblées et les chefs des autres partis.

Qu’il y ait des torts partagés dans ce brusque accès de tension ne fait guère de doute. LFI s’est appuyé sur l’usage répété du 49.3 sur les textes budgétaires pour dénoncer « une mascarade démocratique ». Le PS a invoqué sa crainte légitime de se retrouver otage d’un rapprochement entre le chef de l’Etat et la droite à propos de l’élargissement du champ du référendum.

En pleine discussion du projet de loi sur l’immigration, LR exige en effet, comme le Rassemblement national, un référendum sur l’immigration, ce qui suppose au préalable de modifier le champ de l’article 11 pour l’étendre aux sujets de société. Emmanuel Macron s’étant montré favorable à cette dernière hypothèse, le doute était permis. Moins compréhensible est l’attitude d’Eric Ciotti, le patron de LR, qui, plutôt que de chercher à pousser son avantage, a préféré claquer la porte au motif que les partis seraient marginalisés par le format inédit des « rencontres de Saint-Denis ». La mauvaise foi a des limites ; le président de LR est en réalité soumis à la pression des faucons de son parti qui ne veulent rien devoir au chef de l’Etat, ni négocier avec lui.

Pas de consensus entre les partis

Cette fronde n’entrave pas complètement Emmanuel Macron, qui s’était fait élire en 2017 sur la promesse déçue d’une rénovation démocratique et entend, avant de lâcher les rênes en 2027, mettre chacun devant ses responsabilités. Un sujet a avancé, l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, qui devrait faire l’objet d’un congrès en mars. D’autres chantiers sont ouverts concernant la Corse et la Nouvelle-Calédonie, mais la question la plus lourde a trait au référendum. Depuis six ans, la banalisation de son usage a été réclamée sur à peu près tous les bancs de l’opposition, mais pas pour les mêmes motifs, ni sur les mêmes thématiques.

La revendication a surgi à l’occasion de la crise des « gilets jaunes », du mouvement de protestation généré par la réforme des retraites ou des débats sur l’immigration. L’évolution met en jeu l’équilibre entre la démocratie représentative et la démocratie directe, le pouvoir des élus et celui du peuple. Elle mérite d’être sérieusement évaluée. Le chef de l’Etat y était favorable. Les discussions de vendredi ont fait apparaître qu’il n’y avait guère de consensus entre les partis autour de l’idée d’élargir le référendum aux sujets de société. En conséquence, il n’y en aura pas sur l’immigration. Les participants ne se sont pas non plus entendus sur l’abaissement des seuils permettant de déclencher un référendum d’initiative partagée. A ce stade, seule l’évolution du scrutin législatif vers un système proportionnel a recueilli une majorité d’avis favorables.

Au regard de l’ampleur de la crise démocratique, ces résultats peuvent apparaître décevants. Aussi timide soit-il, un progrès a cependant été réalisé : une majorité de partis ont accepté de débattre ensemble de sujets difficiles, en s’exonérant du jeu facile qui consiste à avancer des revendications fortes puis à accuser l’autre de tout bloquer. De ce point de vue, les absents ont mal joué : ils ont donné le sentiment de se défausser.

Le Monde

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