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En Bourgogne-Franche-Comté, le fiasco de la distribution des fonds européens aux agriculteurs : « Vous êtes nuls, des incompétents »

Le ministre de l’agriculture Marc Fesneau à la Foire de Dijon, le 01 novembre 2023.

En Bourgogne-Franche-Comté, entre le monde agricole et le conseil régional, il est difficile de se parler sans s’invectiver. Ainsi, lundi 6 novembre, trois élus de la majorité de gauche ont été ensevelis sous les propos acerbes d’exploitants réunis en Saône-et-Loire pour évoquer leur gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural. « C’est une honte, un scandale, une catastrophe, vous êtes des nuls, des incompétents, votre administration est lamentablement défaillante, à la ramasse », ont entendu les élus. « Nous sommes responsables d’une situation qui vous met dans la merde et on est dans la merde avec vous… », a crûment admis le sénateur Jérôme Durain, président du groupe régional socialiste, en première ligne de la délégation ce jour-là.

A l’origine du conflit, l’instruction des dossiers de demande de dotation pour une installation de jeune agriculteur ou d’aide à l’investissement, dont les régions ont obtenu le pilotage depuis le 1er janvier 2023. Celles-ci en assumaient déjà la responsabilité, mais elles en déléguaient la gestion technique à l’Etat et à ses directions départementales des territoires (DDT). Au 1er janvier, 44 % des paiements de la séquence précédente avaient été effectués par l’Etat en Bourgogne-Franche-Comté. Les 56 % de reliquat, soit 6 500 dossiers pour un montant de 80 millions d’euros, ont aussitôt été livrés au conseil régional. « On a vu arriver des camions de déménagement pleins de papiers et de cartons à traiter en plus des nouvelles demandes », raconte un agent sous couvert d’anonymat.

L’Etat avait prévu pour cela des transferts de personnels au conseil régional ou des compensations financières, soit l’équivalent de trente-cinq temps plein. La plupart des agents des DDT, répartis dans les départements, ont refusé de déménager à Besançon et Dijon où la collectivité a concentré le dispositif. Des recrutements ont été lancés, sans guère de succès et dix-sept postes ne sont toujours pas pourvus. Sans relais de terrain, avec de surcroît un changement d’outil informatique à maîtriser, le conseil régional n’a pu faire face. Seuls 300 dossiers d’aides ont été traités sur les 3 500 en retard de paiement.

« Insultes, menaces, mains courantes »

La grogne des agriculteurs s’est muée en colère, d’autant que les agents n’ont plus répondu à leurs appels et courriels. « Insultes, menaces, parfois assorties de perspectives de violences, des collègues ont exercé un droit de retrait téléphonique ou demandé une protection, poursuit l’agent. Des mains courantes ont été déposées dans les gendarmeries. » Ce climat, Christian Decerle, président de la chambre régionale d’agriculture, le comprend. « Au début, nous étions satisfaits, dit-il. Les négociations avaient été fructueuses, la région, la profession, l’Etat, nous étions unis à Bruxelles et avions décroché une hausse de 28 % pour la programmation 2023-2027 [254 millions d’euros]. Ensuite, le manque d’anticipation de la région nous a menés à ce désastre incompréhensible. En presque quatre ans, ses services ont été incapables de préparer le transfert. »

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