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Exposition « Préhistomania » : l’art rupestre transcendé sur papier

La préhistoire a aussi son Brueghel l’Ancien, qui, il y a des millénaires, avait pris pour toile les parois de la grotte Makumbe, au Zimbabwe. En 1929, l’anthropologue allemand Leo Frobenius (1873-1938) avait chargé le peintre Joachim Lutz de reproduire ces fresques. L’un de ces relevés, monumental, fourmillant de personnages humains et d’animaux, est l’une des pièces maîtresses de l’exposition « Préhistomania », qui vient d’ouvrir ses portes au Musée de l’homme, à Paris.

Les commissaires ont puisé au sein de deux collections d’exception. D’une part, dans celle de l’Institut Frobenius, à Francfort-sur-le-Main, où sont conservés les quelque 8 000 relevés effectués lors des nombreuses expéditions de son fondateur, Léo Frobenius. Explorateur dans l’âme, il avait su s’entourer d’artistes de talent, dont de nombreuses femmes formées aux Beaux-Arts.

D’autre part, ils ont prélevé dans les propres fonds du Muséum national d’histoire naturelle. D’abord les innombrables croquis de l’abbé Breuil (1877-1961), pape de la préhistoire, qui parcourt inlassablement les grottes ornées de France et d’ailleurs. Puis les rouleaux de papier Canson d’Henri Lhote (1903-1991), amoureux du Sahara vert et de sa faune luxuriante du néolithique. Et, enfin, le solitaire Gérard Bailloud (1919-2010), qui s’aventure « aux confins du Tchad » en 1956 et en rapporte de formidables peintures ocre.

Résonance avec la création contemporaine

L’exposition, à travers laquelle on découvre l’art préhistorique du monde entier, et pas seulement des « classiques » comme les bisons d’Altamira, n’a pas vocation à répondre à deux questions qui brûlent les lèvres, prévient Jean-Louis Georget (Sorbonne-Nouvelle), l’un des commissaires : « De quand datent les œuvres reproduites et quelle est leur signification ? »

« Le grand dieu de Sefar », relevé (7,5x4m) réalisé dans le Tassili n’Ajjer (Algérie) par les équipes d’Henri Lhote, dans les années 1950-1960.

Elle vise plutôt, indique Richard Kuba, conservateur des collections Frobenius, à ressusciter le « choc visuel » engendré par l’accrochage de ces relevés dans les musées à partir des années 1920 ; et la façon dont ces objets hybrides, à la fois documents scientifiques, archives et œuvres originales, ont pu résonner avec la création artistique contemporaine.

« Préhistomania » retrace ainsi leur confrontation à l’art moderne lorsqu’en 1937 le MoMA de New York avait réuni cent cinquante relevés préhistoriques, selon un point de vue purement esthétique. Elle les fait elle-même dialoguer avec des œuvres de Paul Klee, de Jean Arp et d’artistes actuels. « L’humain est parfois réduit à une ligne, à un symbole », souligne Egidia Souto, cocommissaire de l’exposition. « L’abstrait et le concret sont là dès le début, il y a quarante-cinq mille ans », rappelle Richard Kuba.

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