« Tahiti ! Tahiti ! » Les exclamations ne sont pas le fruit d’une campagne enthousiaste de promotion de la Polynésie française, elles viennent de l’opposition municipale qui a donné de la voix face à la maire de la capitale, Anne Hidalgo, lors du Conseil de Paris, mercredi 15 novembre. En cause, son récent déplacement de trois semaines à Tahiti, puis à Raiatea, où réside sa fille.
Embarras de l’équipe à communiquer sur un voyage mi-public, mi-privé dans un contexte national difficile d’un côté, déchaînement de critiques sur l’exotisme coûteux du périple de l’autre : l’affaire convoque un vieux cliché européen persistant, celui de la vahiné et de son lagon bleu, dans lequel les Français du Pacifique regrettent désormais d’être enfermés. Face aux tragédies du monde, « peut-on décemment partir se la couler douce au soleil », attaquait Alexis Brézet, du Figaro, sur Europe 1, mercredi, quand Geoffroy Boulard, maire Les Républicains du 17e arrondissement, sortait un flacon de gel Tahiti douche en plein Conseil de Paris.
« On fait de nos pays des paysages, comme disait Aimé Césaire, en évoquant un voyage au bout du monde alors que c’est un voyage au bout de la France, commente Jacques Martial, chargé des outre-mer auprès de Mme Hidalgo. C’est du racisme intériorisé, inconscient, insupportable. »
Le territoire de 280 000 habitants est certes splendide, et il vit principalement du tourisme, qui lui a rapporté 645 millions d’euros en 2022, selon l’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF). Mais dans ces archipels éparpillés sur une surface grande comme l’Europe, à 16 000 kilomètres de Paris, l’isolement demeure un défi quotidien.
« Entre mythe et handicap structurel, Tahiti est perçue comme le voyage d’une vie », notait l’ISPF dans son rapport annuel de 2022. Les trajets coûtent cher entre l’Hexagone et le Pacifique, empêchant nombre d’ultramarins de voyager, comme entre les îles polynésiennes elles-mêmes. Les frais de transport de la délégation municipale ont été dévoilés – 40 955 euros pour six personnes.
« Une société à deux vitesses »
En Polynésie, la croissance économique a effectué un rebond remarqué après le Covid (3,4 % en 2022, selon le FMI), l’université avance à la pointe de la recherche sur les océans, des start-up reçoivent les récompenses de la French Tech, le label officiel des autorités françaises. Mais le pays est sujet à une inflation généralisée (+ 6,4 % en 2022, un pic historique) avec des prix 39 % plus élevés que ceux de l’Hexagone. Son PIB par habitant reste deux fois moindre (18 000 euros), le taux d’emploi des jeunes très faible (34 %), la couverture sociale loin de celle du Français moyen, selon l’Institut d’émission d’outre-mer.
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