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A Ploërmel, en Bretagne, une censure et des tensions autour de Neige Sinno, autrice de « Triste tigre »

Neige Sinno, lauréate du prix Femina, à Paris, le 6 novembre 2023.

Une tente de chantier trône sur le trottoir de la librairie La Canopée, à Ploërmel (Morbihan). Ce mercredi 15 novembre, une vingtaine de personnes se massent dessous, faute de place dans la boutique, bondée, de cette commune de presque 10 000 habitants, située dans la campagne bretonne. Tous veulent écouter Neige Sinno, autrice de Triste tigre (P.O.L, 288 pages, 20 euros), lauréate du prix Femina et du prix littéraire Le Monde.

Avant d’évoquer l’ouvrage, qui revient sur les viols perpétrés dans son enfance par son beau-père, l’écrivaine s’arrête sur la « polémique » qui secoue la ville. Fin septembre, Triste tigre a été retiré du CDI de l’historique lycée de la ville, où 1 700 élèves sont scolarisés. Ordre de Véronique Calas, responsable de l’établissement privé La Mennais. Elle a aussi décidé de rayer le titre d’une liste à étudier dans le cadre d’un concours lycéen. Selon elle, le texte pourrait « heurter, choquer, fragiliser ».

En poste depuis vingt-quatre ans, la proviseure assure : « En inscrivant sa fille ou son fils au lycée La Mennais, les parents ont fait le choix d’un établissement séculaire, fort d’une histoire, de traditions et d’un projet éducatif qui place le jeune au centre de ses préoccupations. Dans un monde traversé régulièrement par des crises, notre établissement se veut être un lieu de bien-être et d’épanouissement. »

Malgré une pétition lancée par des élèves et une levée de boucliers d’une partie des 145 professeurs contre l’interdiction, la direction n’a pas changé d’avis sur cet ouvrage fréquemment salué pour sa justesse, bien qu’il comporte quelques éprouvantes descriptions d’agressions. « Je devais raconter la violence sexuelle faite à un enfant. Il fallait mettre des mots pour ne pas rester dans l’abstrait », assume Neige Sinno.

« Ce livre ne m’a pas agressé »

Dans l’assistance, une quinzaine de lycéens de La Mennais acquiesce. Ils ne comprennent pas l’interdiction de leur proviseure. L’un d’eux s’agace : « On nous encourage à nous forger un esprit critique. Aujourd’hui, nous ne serions pas assez adultes pour affronter ce texte alors qu’Internet nous abreuve d’images violentes en permanence… » Une élève de terminale poursuit : « Ce livre a foutu le bordel dans ma tête, mais ne m’a pas agressé. Cette censure va à l’encontre des valeurs d’ouverture défendues par l’établissement. » Olivier Millet, enseignant en histoire-géographie au lycée La Mennais, se dit « sous le choc » et « affecté » par la mise à l’écart de Triste tigre. D’autres critiquent le « silence assourdissant » depuis.

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