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Procès d’Eric Dupond-Moretti : « Penser la question de la responsabilité des gouvernants suppose de partir du droit constitutionnel »

Dans une tribune publiée dans Le Monde daté du 6 novembre, le magistrat Denis Salas considère, à juste titre, que le procès du ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, « pose la question de la responsabilité politique des ministres ». Partant du principe selon lequel « il n’y a pas, dans notre pays, de mécanisme de mise en jeu de la responsabilité politique des ministres », il plaide pour un contrôle préventif et éthique qui serait opéré par une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) aux pouvoirs renforcés.

Nous aimerions réexaminer ces points à l’aune du droit constitutionnel, sur lequel cette tribune, à l’image d’ailleurs du procès en cours du garde des sceaux devant la Cour de justice de la République (CJR), nous semble largement faire l’impasse. Or, penser la question de la responsabilité des gouvernants suppose de partir du droit constitutionnel.

D’abord, il existe bien évidemment dans notre régime politique des mécanismes de mise en jeu de la responsabilité politique. Il suffit de lire les articles 49 et 50 de la Constitution pour s’en convaincre. En revanche, il n’existe pas de mécanisme de mise en jeu de la responsabilité d’un ministre pris individuellement, ce que l’on ne peut que regretter. Il en résulte que, dans un régime parlementaire comme le nôtre, l’opposition doit avoir la force et le courage de renverser le gouvernement dans son ensemble.

Mais cette difficulté inhérente au mécanisme de responsabilité politique, si elle est réelle, ne justifie pas qu’on en nie l’existence. De plus, cette faiblesse est à nuancer : elle n’apparaît que si on assimile la responsabilité politique à la seule sanction, c’est-à-dire soit le renversement du gouvernement, soit le renvoi d’un ministre. Or, plus largement, le sens premier et fondamental de la responsabilité politique consiste à contraindre les gouvernants à rendre des comptes publiquement devant la représentation nationale. On a vu d’ailleurs que les commissions d’enquête parlementaires tendaient depuis peu à assumer ce rôle mieux que naguère, ce dont on ne peut que se réjouir.

Un pis-aller acceptable

Ensuite, au sein de cet équilibre institutionnel, la responsabilité « politico-pénale », qui s’exerçait jadis par l’intermédiaire des hautes cours, puis sous la Ve République par la Haute Cour de justice et, depuis 1993, par la CJR, a toujours été conçue comme n’étant appelée à intervenir que de manière exceptionnelle et non comme une réponse de principe à la question de la responsabilité des gouvernants. Le principe, rappelons-le, est celui de la responsabilité politique devant les chambres.

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