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« Je me dis toujours qu’il y a pire que moi » : comment Chantal, 60 ans, s’est résolue à pousser la porte du Secours catholique

Chantal, à gauche, avec l’equipe du Secours catholique d’Estrées-Saint-Denis (Oise), le 13 novembre 2023.

Chantal (elle ne souhaite pas indiquer son nom de famille), 60 ans, fines lunettes dorées, mèche rouge et un piercing au-dessus du menton, fait partie du million de personnes accueillies en 2022 par le Secours catholique. Comme 95 % d’entre elles, Chantal se situe en dessous du seuil de pauvreté, fixé à 60 % du revenu médian, soit environ 1 210 euros par mois. Comme 72 % d’entre les personnes accueillies par l’association, elle est le seul adulte du ménage. Comme 17 % d’entre elles, elle a un emploi. Et comme les chiffres n’y suffisent pas, Chantal a accepté de se raconter, à l’occasion de la publication, mardi 14 novembre, du rapport que le Secours catholique consacre à l’état de la pauvreté en France, en portant en 2023 la focale sur les femmes, particulièrement frappées par la hausse de la précarité – elles représentent désormais 57,5 % des personnes accueillies par l’association.

« Il y a pire que moi », relativise-t-elle autour d’un café, dans la salle de convivialité de La Ronde du Vêt, boutique solidaire du Secours catholique à Estrées-Saint-Denis (Oise). Mais la vie ne lui a pas été douce pour autant. De sa voix de fumeuse, elle prévient : « Il y a de quoi écrire un livre. » Chantal est une « fille de la Ddass [Direction départementale de l’action sanitaire et sociale]», placée à l’âge de 2 ans dans une ferme où il fallait mériter son repas en s’occupant des bêtes, et où elle a dû s’insurger, à 12 ans, pour que sa nourrice verse l’argent de poche qu’elle lui devait ainsi qu’à ses frères et sœurs.

Mariée tôt, la jeune femme a perdu des jumeaux, élevé quatre enfants. « Je voulais pas qu’ils aillent en nourrice, j’avais peur qu’il leur arrive des choses », et à l’époque, elle n’a pas imaginé que cela grèverait un jour sa pension de retraite. Elle a aussi pris soin de sa belle-mère, handicapée, « cela m’a donné envie de travailler comme aide à domicile ». Mais ces années n’ont pas été rétribuées, ni prises en compte pour sa future retraite – dans un récent rapport publié mi-septembre, le Secours catholique et AequitaZ préconisent d’indemniser les parents qui se passent de mode de garde ainsi que les proches aidants dits « inactifs », au même titre que ceux qui s’arrêtent de travailler pour le faire.

A 50 ans, Chantal a appris qu’il y avait une autre femme dans la vie de son mari. Elle l’a quitté et a eu un cancer du sein, « à cause du choc émotionnel », selon elle. Après son licenciement et plusieurs années d’incapacité, elle a pu reprendre un emploi, à condition de faire peu d’heures. Elle se limite à une dizaine par semaine, réparties sur six jours, principalement auprès d’un monsieur atteint de la maladie d’Alzheimer. « J’aime mon travail, mais je ne pourrais pas faire plus. Il y a des moments, je ne tiens pas debout. »

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