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« Il est difficile de garder les maladies tropicales négligées à l’agenda politique »

Micrographie électronique à balayage colorée de parasites « Trypanosoma brucei » (en vert) et d’un globule rouge.

Laurent Fraisse est responsable du département de recherche et développement de l’ONG Drugs for Neglected Diseases Initiative (« initiative sur les médicaments contre les maladies négligées », DNDI) depuis 2019, après avoir été responsable de la recherche et développement (R&D) sur les maladies infectieuses chez Sanofi, puis Evotec. Au sein de l’ONG, qui a mis au point douze traitements contre six maladies depuis sa création en 2003, il s’appuie sur des partenariats avec l’industrie et des instituts de recherche, avec le soutien de financeurs publics et privés.

Quel est l’intérêt du modèle de R&D de DNDI ?

DNDI n’a pas vocation à être une société pharmaceutique. La première chose que l’on fait, lorsque l’on s’attaque à une maladie négligée comme la maladie du sommeil, c’est de développer des traitements à base de produits existants pour offrir aux patients une solution à court terme. Nous avons aussi notre propre activité de recherche de nouvelles molécules. Mais on ne développe jamais seuls jusqu’à la mise sur le marché. Il nous faut donc toujours un partenaire industriel au minimum pour la commercialisation et la fabrication du traitement. Une limite du modèle est que parfois nous progressons par à-coups avec des périodes d’arrêt pour un produit donné quand les moyens manquent. La maladie du sommeil est une exception en raison des soutiens de Sanofi et de la Fondation Bill & Melinda Gates pour qui cette maladie est une priorité. La fondation Wellcome est notre partenaire principal pour la maladie de Chagas et la leishmaniose, mais elle est en train de revoir sa stratégie.

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D’une manière générale, il est difficile de garder les maladies tropicales négligées à l’agenda politique, en raison de l’existence d’autres priorités, notamment le changement climatique, même si certaines maladies négligées comme la dengue sont susceptibles de s’étendre à de nouvelles géographies sous son effet. Les financements sont également très dépendants du contexte géopolitique. Après le Brexit, par exemple, le Royaume-Uni a stoppé ses subventions aux traitements contre la leishmaniose.

Quelles sont les conséquences de ce retrait des Britanniques ?

Nous développons actuellement six molécules innovantes pour le traitement de la leishmaniose viscérale ainsi qu’une molécule pour la leishmaniose cutanée. Mais seule l’une d’entre elles, qui est entrée en essai clinique de phase II avec les premiers patients recrutés cette année en Inde, bénéficie pour son développement d’un soutien financier à la fois du groupe pharmaceutique suisse Novartis, qui la possède, et de Wellcome. Ce produit pourrait également être efficace contre la maladie de Chagas. Mais on peine à trouver des soutiens pour les cinq autres molécules de notre portefeuille, ce qui ralentit leur développement. Dans le cas de la cécité des rivières, deux molécules sont en phase II de développement clinique grâce à des partenariats industriels, l’émodepside avec le groupe allemand Bayer et la flubentylosine avec la société américaine AbbVie, et au support de la Fondation Gates. Toutes deux ciblent les vers adultes responsables de la maladie, alors que les traitements actuels ne sont efficaces que contre les vers juvéniles et doivent être administrés tous les ans.

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