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Grégoire Kauffmann, historien : « La présence sidérante du RN à la manifestation contre l’antisémitisme est le signe d’une profonde recomposition du jeu politique »

Grégoire Kauffmann, spécialiste des XIXe et XXe siècles et des droites radicales, enseigne à Sciences Po Paris. L’historien a notamment publié Edouard Drumont (Perrin, 2008) et Le Nouveau FN. Les vieux habits du populisme (Seuil, 2016). Il vient de consacrer un ouvrage aux années 1980 et à l’affaire des otages au Liban – l’un des otages étant son père, le journaliste Jean-Paul Kauffmann – qui mêle au portrait de l’époque ses souvenirs d’adolescent (L’Enlèvement, Flammarion, 400 pages, 22,90 €).

Comment l’historien que vous êtes analyse-t-il le regain d’antisémitisme observé, en France, depuis l’attaque du Hamas ?

Cette brusque flambée n’est pas une surprise dans la mesure où les crises proche-orientales ont toujours des répercussions en France. On l’a vu pendant la guerre des Six-Jours, en 1967, ou pendant la seconde Intifada, au début des années 2000 : le conflit israélo-palestinien hystérise le débat politique – et nourrit les controverses intellectuelles. Après la guerre des Six-Jours et la déclaration de Charles de Gaulle sur le peuple juif « sûr de lui-même et dominateur », le philosophe Raymond Aron avait écrit un livre, De Gaulle, Israël et les Juifs [Plon, 1968 ; Les Belles Lettres, 2020], dans lequel il estimait que ces propos autorisaient « solennellement un nouvel antisémitisme ». En 2002, après la seconde Intifada, l’historien des idées Pierre-André Taguieff avait forgé un néologisme, la « nouvelle judéophobie », pour caractériser l’antisémitisme du monde arabo-musulman.

Le conflit entre Israël et le Hamas a-t-il bouleversé les lignes de force du paysage politique ?

La nouveauté incroyable, c’est bien sûr le fait que le Rassemblement national [RN] ait été convié à rejoindre, dimanche 12 novembre, la grande famille républicaine pour défiler contre l’antisémitisme à l’appel des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat [Le 7 novembre, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher ont appelé à une marche civique contre l’antisémitisme, « unissant tous ceux qui se reconnaissent dans les valeurs de la République ». Marine Le Pen a invité dès le lendemain, sur RTL, tous les adhérents et les électeurs du RN à se joindre à cette marche]. Le parcours accompli depuis la profanation du cimetière juif de Carpentras, en 1990, est tout simplement vertigineux : l’immense manifestation qui avait suivi la profanation était un défilé contre le Front national [FN] et se revendiquait comme tel – c’était d’ailleurs la première fois, depuis 1945, qu’un président de la République en exercice, François Mitterrand, se joignait à un cortège.

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