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« Le ministre a vengé l’avocat », assure une magistrate au procès d’Eric Dupond-Moretti

La procureure adjointe Ulrika Delaunay-Weiss, lors du procès d’Eric Dupond-Moretti, devant la Cour de justice de la République, le 8 novembre 2023, à Paris.

Ils s’y préparaient depuis des mois, et les quatre magistrats visés par Eric Dupond-Moretti ont témoigné avec une froide colère, mercredi 8 novembre, devant la Cour de justice de la République (CJR), sans s’émouvoir des coups de boutoir de la défense du ministre. « Il y a les vrais témoins et les faux témoins », avait astucieusement avancé Mᵉ Jacqueline Laffont, l’une des avocats du garde des sceaux. Puisqu’il n’y a pas de parties civiles devant la CJR, tout le monde est témoin : les « faux témoins », ce sont les syndicats de magistrats qui ont porté plainte. Mercredi, c’était donc le tour des « témoins-victimes », qui ont méthodiquement défendu leur dossier, et leur honneur.

Le Parquet national financier (PNF) d’abord. « Dans ce dossier, c’est très simple, a lâché Ulrika Delaunay-Weiss, le ministre a vengé l’avocat. » La procureure adjointe avait été chargée, avec son collègue Patrice Amar, d’une enquête sur l’origine des fuites dans l’affaire du financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy : qui avait prévenu, le 25 ou le 26 février 2014, « Paul Bismuth » et son avocat Thierry Herzog qu’ils étaient sur écoute ? Les fadettes (les facturations détaillées) de plusieurs avocats, dont Eric Dupond-Moretti, ami de toujours de Mᵉ Herzog, avaient été épluchées, pour savoir d’où venait la fuite. « C’est moi qui ai innocenté Eric Dupond-Moretti, a dit Patrice Amar en souriant, compte tenu des horaires, ce ne pouvait pas être lui. »

Mais lorsque Mᵉ Dupond-Moretti apprend l’existence de l’enquête en 2020, il tonne contre « ces méthodes de barbouzes » et porte plainte. L’affaire fait grand bruit, et la ministre de la justice de l’époque, Nicole Belloubet, ordonne une inspection sur l’enquête. « J’étais très en colère, reprend Mme Delaunay, c’était une immixtion du pouvoir exécutif dans une procédure, une violation de la séparation des pouvoirs. » A l’audience, l’ancienne garde des sceaux a reconnu que cette inspection était « sur la crête », mais qu’elle avait ordonné qu’on ne s’intéresse pas aux actes juridictionnels.

« Un froid calcul »

Les deux magistrats ont été dessaisis du dossier, qui a traîné en vain pendant des années ; l’inspection, de son côté, a conclu que la procédure était légale et préconisé dix-neuf pistes de réformes du PNF. Là-dessus, le 6 juillet 2020, Eric Dupond-Moretti est nommé ministre de la justice. Le pénaliste connaissait les deux magistrats, il avait été l’avocat d’Alexandre Djouhri, mis en cause dans l’affaire libyenne et en fuite à Londres, et il les avait même rencontrés à deux reprises en 2019 pour protester contre l’extradition de son client.

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