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Eric Dupond-Moretti décrit son arrivée au ministère de la justice devant la CJR : « La discipline des magistrats, je ne sais pas ce que c’est »

Eric Dupond-Moretti à la barre, avec, en arrière-plan, les députés Danièle Obono et Bruno Bilde, tous deux juges à la Cour de justice de la République, à Paris, le 7 novembre 2023.

La Cour de justice de la République (CJR) est entrée, mardi 7 novembre, dans le vif du sujet, et Eric Dupond-Moretti a pu s’expliquer paisiblement pendant quatre bonnes heures. Le ministre de la justice, poursuivi pour « prises illégales d’intérêts », devra y revenir pendant encore dix jours après les dépositions des vingt-trois témoins, mais sent déjà la moutarde lui monter au nez.

Pour le moment, la défense de l’ancien avocat a le mérite de la simplicité : il n’y connaissait rien, toutes les procédures ont été lancées par sa prédécesseure, Nicole Belloubet, et il n’a fait que suivre les recommandations de son administration. Le ministre de la justice a ainsi fait preuve mardi d’une parfaite humilité. Il assure n’avoir appris sa nomination, le 6 juillet 2020, que quelques heures avant que la liste des membres du gouvernement soit rendue publique. « Inutile de vous dire que c’était évidemment pour moi un grand bouleversement, a expliqué l’ancien avocat. Je découvre les lieux qui, pour ne rien vous cacher, m’écrasent ; je me dis simplement, comment je vais faire ? Je ne savais pas la différence entre un chef et un directeur de cabinet. » Fabrice à Waterloo n’était pas moins perdu qu’Eric Dupond-Moretti Place Vendôme, et le nouveau ministre commence par aller s’acheter des cravates, se fait omettre du barreau, et entreprend de constituer son cabinet.

« Je vais avoir des contacts, et beaucoup vont se défausser, dit le ministre avec amertume. La rumeur dit que ceux qui viendraient seraient des collaborateurs, dans le mauvais sens du terme. » Il y voit la main de François Molins, alors procureur général près la Cour de cassation – et donc l’homme qui a lancé les poursuites devant la CJR ; le magistrat aurait défendu « à certains conseillers » de venir à ses côtés. Heureusement, Véronique Malbec, à la tête du secrétariat général du ministère, accepte de devenir sa directrice du cabinet.

L’affaire n’est pas gagnée pour autant. « Il va falloir découvrir un monde qui m’est totalement étranger, explique Eric Dupond-Moretti. La discipline des magistrats, le fonctionnement de l’inspection générale de la justice, je ne sais pas ce que c’est. Devant l’Assemblée nationale, je suis complètement désarçonné, je ne maîtrise rien : j’étais un avocat libre, on m’a souvent reproché un langage, euh, fleuri. Là, il faut que je parle comme un ministre. »

« Le truc m’est tombé dessus »

Quant aux deux affaires qui lui sont reprochées, y voir un quelconque conflit d’intérêts lui paraît « lunaire ». « J’ai quitté un métier que j’adorais. J’avais un but, réussir mon ministère. Le reste, je m’en fous. Le truc m’est tombé dessus, initié par mon prédécesseur. » Le juge Edouard Levrault qui avait inculpé Dmitri Rybolovlev, le patron de l’AS Monaco, et participé à une émission un peu vive à la télévision ? « Le juge avait refusé de s’expliquer devant sa hiérarchie, a dit le prévenu. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? L’enquête administrative [prédisciplinaire] était déjà dans les tuyaux. Moi, je ne savais pas trop ce que c’était, j’ai mille choses à faire. L’affaire Levrault, c’était le cadet de mes soucis. »

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