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Avec « La nuit c’est comme ça », Marie Payen, la comédienne frondeuse

Marie Payen dans « La nuit c’est comme ça », au Théâtre Gérard-Philipe, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 2 novembre.

Une Internationale épuisée qu’une trompette enrouée s’entête à ranimer : avec La nuit c’est comme ça, qu’elle joue au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), la comédienne Marie Payen souffle son espoir de lendemains qui chantent, quand bien même les sons seraient éraillés. Le genre humain s’invite sur les planches dans le solo qu’elle a conçu, au point que chaque parole de l’hymne pourrait sous-titrer la représentation.

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L’actrice a quitté mi-octobre les haillons de la vieille femme paumée qu’elle incarnait dans Welfare (mise en scène de Julie Deliquet, d’après un documentaire de Frederick Wiseman de 1973). Pour la troisième fois depuis 2014, elle renoue avec son dada, le seule-en-scène performatif. Un genre singulier que développe cette empêcheuse de tourner en rond pour qui la recherche esthétique est une forme de résistance aux autoroutes des pensées formatées. « J’aime l’hétérogène, les lignes de fuite, les mondes qui se choquent, leurs tissages et leurs agencements », revendique-t-elle.

Née le 1er janvier 1974, cette interprète d’une haute droiture éthique s’applique à elle-même ce qu’elle espère des autres. Le renoncement et la soumission ne sont pas sa tasse de thé. Le petit pouvoir des artistes l’ennuie. Le théâtre bourgeois l’assomme. L’entre-soi lui donne envie de fuir. Incapable de composer avec la « mégalomanie de metteurs en scène qui chosifient les acteurs », la frondeuse a fait sécession : « Dans l’aliénation, ma colère est si forte que je choisis ma liberté quel que soit le prix à payer », assure-t-elle au sortir d’une répétition menée à flux tendu. Autrice d’un texte non écrit et uniquement mémorisé, elle improvise une partie du spectacle pour « préserver les étonnements du personnage ».

« Tout peut éclore »

A 37 ans, en 2011, Marie Payen, ancienne élève de l’Ecole du Théâtre national de Strasbourg, tourne le dos aux scènes subventionnées où elle enchaînait les projets depuis un premier rôle professionnel dans Imprécation IV, de Michel Deutsch, en 1995. Rompant le cours de complicités artistiques (parmi lesquelles, à ses débuts, le groupe Sentimental Bourreau ou le metteur en scène Jean-François Peyret), elle s’inscrit en psychologie à l’université Paris-Diderot et se met lire Sigmund Freud, Jacques Lacan, Félix Guattari et Gilles Deleuze. Il lui fallait « élargir les contours de la vie et se décrocher d’un milieu théâtral » dont elle connaissait par cœur les usages, les codes, les compromis, les langages.

Pendant trois ans, elle a voyagé, fait un enfant, cogité sur les bancs de la fac, rencontré des inconnus et pris le temps d’écouter les soliloques de personnes sans domicile fixe. Armée de ces expériences éclectiques, elle a mûri le premier de ses trois solos (Je brûle, en 2014, qui sera suivi, en 2018, de Perdre le nord). Lorsqu’elle est réapparue en public après sa retraite volontaire, elle revisitait les origines du jeu : la profération balbutiante, le pas titubant, le corps courbé, elle se fiait à son inconscient pour filer (en improvisant) sa narration. L’esprit de l’homme de théâtre Antonin Artaud (1896-1948) toquait à la porte. Marie Payen avait repris le métier de zéro comme on remet les compteurs à l’heure : « J’avais 40 ans. Un âge où tout peut éclore et se redimensionner. »

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