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Le projet de loi immigration débattu au Sénat et déjà contesté

Après de nombreux reports, les débats se sont ouverts au Sénat autour du projet de loi asile et immigration. Le texte, qui divise la Chambre haute française, suscite les polémiques au sein de l’opposition et même de la majorité. Deux premières mesures ont été adoptées dans la soirée, instaurant des quotas en matière migratoire et durcissant des conditions du regroupement familial.

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Débats éruptifs à la chambre haute : le Sénat a débuté lundi 6 novembre son durcissement programmé du projet de loi immigration, contesté par les oppositions comme les associations, un piège politique pour l’exécutif qui l’a maintes fois reporté.

Depuis un an et la présentation du texte, le gouvernement résume ainsi l’esprit de sa réforme : « Être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils ».

Mais le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, en ouvrant les débats, a laissé sa formule fétiche de côté, préférant deux mots d’ordre : « fermeté et simplification », pour aboutir à « un texte ferme, juste et surtout efficace ». Devant une chambre haute qui penche à droite, il doit en effet convaincre sur le volet répressif, en facilitant par exemple les expulsions d’étrangers délinquants.

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La première mesure adoptée dans la soirée par la Haute Assemblée est d’ailleurs allée dans le sens d’un resserrement de l’immigration : les sénateurs se sont positionnés pour des quotas migratoires déterminés annuellement par le Parlement, une vieille antienne de la droite. Gérald Darmanin ne s’est pas opposé à cet article ajouté par le Sénat, défendant « le droit en France, comme tous les pays du monde, de choisir les personnes qu’on veut sur notre sol ».

Le Sénat a également acté, malgré l’hostilité de la gauche, un durcissement des conditions du regroupement familial, qui permet à une personne étrangère de demander la venue en France de son conjoint et de ses enfants. Rien n’assure que la gauche de la macronie, attachée au volet intégration du texte, accueillera ce genre de mesures à bras ouverts à l’Assemblée nationale, en décembre.

La voie de passage est étroite pour le gouvernement s’il veut s’éviter une nouvelle utilisation de l’article 49.3 de la Constitution qui permet une adoption du texte sans vote, mais expose à une motion de censure. Une menace brandie par Les Républicains mais qui a peu de probabilité d’aboutir sans le soutien de la gauche.

« Nous chercherons des majorités », a répété lundi la Première ministre Élisabeth Borne sur France Inter. Dimanche, Gérald Darmanin était également convaincu de trouver « une voie de passage », rappelant son opposition à l’utilisation du 49.3. « Illusionniste ! », lui a répondu lundi le président des députés LR Olivier Marleix, sur Europe 1.

la Première ministre elisabeth Borne, le 3 novembre 2023 à Caen
la Première ministre elisabeth Borne, le 3 novembre 2023 à Caen © LOU BENOIST / AFP

Les cartes vont d’abord s’abattre au Sénat, où droite et centristes détiennent la majorité. Ils pourraient remanier le texte à leur main, à condition de s’entendre entre eux.

Car les deux alliés peinent à s’accorder sur l’article 3, qui prévoit un titre de séjour d’un an renouvelable pour les travailleurs sans papiers dans des secteurs en pénurie de main d’œuvre. Un point dont LR a fait une ligne rouge et dont l’examen, prévu mardi ou mercredi, pourrait être repoussé en attendant un éventuel compromis.

La macronie divisée

« On ne peut pas à la fois avoir un texte qui veut expulser plus, tout en régularisant plus », argue auprès de l’AFP le président des sénateurs LR, Bruno Retailleau.

Le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, le 3 juillet 2023 à Paris
Le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, le 3 juillet 2023 à Paris © Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP/Archives

Cette mesure n’entraînera pas « un appel d’air » pour l’immigration illégale, a répondu lundi Élisabeth Borne, évoquant plutôt « une mesure de bon sens, largement partagée », notamment par les employeurs.

La secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a estimé que l’article 3 était « un minimum » et qu’il fallait aller au-delà d’un an.

Le patron des sénateurs centristes Hervé Marseille plaide pour une inscription a minima dans la loi du principe, en laissant une large part d’appréciations aux préfets.

En 2022, 34 029 sans-papiers ont été régularisés, en hausse de 7,8 % par rapport à 2021.

La mesure divise jusqu’au sein de la majorité, l’aile sociale de la macronie l’ayant érigée en totem.

Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, lors de la conférence sociale organisée au Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) à Paris, le 16 octobre 2023
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, lors de la conférence sociale organisée au Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) à Paris, le 16 octobre 2023 © Miguel MEDINA / POOL/AFP/Archives

« La majorité est attachée à l’équilibre de ce texte », a déclaré la députée Stella Dupont, rattachée au groupe Renaissance, se disant « troublée » par certaines « expressions » du gouvernement. « Je ne suis pas inquiète mais je ne voterai pas n’importe quoi », a-t-elle prévenu lors d’un point de presse aux côtés de parlementaires de gauche.

Manifestation devant le Sénat

À la mi-journée, 150 personnes se sont rassemblées devant le Sénat à l’appel d’un collectif d’associations et de syndicats. Parmi elles, Aboubacar Dembélé, travailleur sans-papiers de 31 ans, a dénoncé un texte qui ne va « rien faire que de nous criminaliser ».

En parallèle, 35 associations et collectifs ont épinglé lors d’une conférence de presse un projet de loi contraire aux « principes humanistes », comme sur la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) pour les sans-papiers, que le Sénat veut réduire en aide médicale d’urgence.

Cette proposition sur l’AME a suscité l’émoi dans les rangs du MoDem : 26 députés ont cosigné lundi une tribune dans le journal La Croix pour défendre le maintien de cette « exception sanitaire française ».

Les débats porteront aussi sur l’instauration d’une politique de quotas migratoires déterminés annuellement par le Parlement ou encore la restriction des conditions du regroupement familial.

Avec AFP

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