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Profil bas pour la France en Afrique

Arrivé au pouvoir il y a six ans avec un diagnostic neuf et les meilleures intentions de renouveau de la relation de la France avec l’Afrique, Emmanuel Macron préside aujourd’hui à un retrait forcé, militaire et politique, de la région du Sahel dans des conditions qu’il est difficile de ne pas juger humiliantes. La France est chassée d’Afrique et cette éviction signe l’échec d’une succession de politiques postcoloniales, y compris de celle qui entendait rompre avec l’anachronique « Françafrique ».

La série d’enquêtes que Le Monde a consacrées cette semaine à cette rupture illustre toute la complexité de la relation entre l’ancienne puissance coloniale, qui n’a pas totalement renoncé à exercer son influence sur le continent africain, et des pays qui, malgré une affirmation croissante de leur souveraineté, ne parviennent pas non plus à se soustraire à une relation spéciale avec Paris, entretenue par un important courant migratoire.

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A Ouagadougou, en 2017, le jeune président Macron avait proclamé son ambition d’une approche totalement nouvelle : « Je suis d’une génération où l’on ne vient pas dire à l’Afrique ce qu’elle doit faire. » L’intention était louable, même si le chef de l’Etat n’a pas pu s’empêcher de dire à ses partenaires africains ce que, à son avis, ils devaient faire, prêtant le flanc à l’accusation d’un vieux paternalisme sous des habits neufs. Le passif est trop lourd.

Rien ne semble pouvoir endiguer le recul de l’influence française en Afrique francophone depuis qu’une succession de coups d’Etat, au Mali, au Burkina Faso puis au Niger, a fait, non sans soutien populaire, de la remise en cause du lien avec Paris le combustible politique des militaires putschistes.

Trop peu, trop tard

Les raisons du ressentiment africain sont multiples : le double jeu de dirigeants français qui, tout en prônant la démocratie, s’affichent avec des autocrates qu’ils pensent garants d’une illusoire stabilité ; une gestion trop sécuritaire de la lutte contre le djihadisme qui a prolongé la présence militaire de la France dans des pays où elle aurait dû se montrer pionnière en matière d’aide au développement ; une politique de limitation de l’immigration, générale en Europe, qui a engendré d’énormes frustrations à l’égard de la France ; le travail de sape de la propagande russe qui a encouragé la montée du sentiment antifrançais parallèlement au déploiement des milices Wagner sur le terrain ; le style personnel d’Emmanuel Macron, impatient et volontiers cassant, qui a souvent heurté les élites au pouvoir ; une politique économique saupoudrée et pas assez visible – trop peu, trop tard ; la désillusion des populations africaines à l’égard d’une gouvernance démocratique qui n’a pas tenu ses promesses.

Une mention particulière est à attribuer à l’intervention militaire en Libye en 2011 : ses conséquences ont durablement déstabilisé la région et, notamment, déclenché la crise au Mali qui a entraîné l’intervention des forces françaises en 2013, à la demande de Bamako.

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Emmanuel Macron a eu la lucidité d’affronter d’autres défis de la relation franco-africaine, notamment la dimension mémorielle, réalisant ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait fait : la restitution des œuvres d’art ou cultuelles détenues par les musées français. Mais, qu’il le veuille ou non, le président français, bien que né après la colonisation, est perçu en Afrique comme l’héritier d’un système qui reste à solder. Pour les années à venir, la France y est condamnée au profil bas.

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Le Monde

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