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Delphine Allès, politiste : « Les Etats du Sud global sont loin de privilégier une posture contestataire à l’égard de l’ordre international »

Le président chinois Xi Jinping, accueilli par le président sud-africain Cyril Ramaphosa à son arrivée à l’aéroport de Johannesbourg, le 21 août 2023, la veille de l’ouverture du 15e sommet des BRICS.

Professeure des universités en science politique, vice-présidente de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), elle est l’autrice de plusieurs ouvrages, dont celui qu’elle a codirigé avec Sonia Le Gouriellec et Mélissa Levaillant, Paix et sécurité. Une anthologie décentrée (CNRS Editions, 2023), et La Part des dieux. Religion et relations internationales (CNRS Editions, 2021).

Dans la guerre qui oppose le Hamas à Israël, comment expliquez-vous les réactions nuancées des BRICS, qui ne désignent pas les responsables des attaques du 7 octobre 2023, appellent à la désescalade ou apportent leur soutien aux Palestiniens, voire au Hamas ?

Ces réactions contrastées illustrent l’absence de convergence politique entre les BRICS, dès lors que l’on sort du registre de la revendication générale en faveur d’une meilleure représentation des intérêts de leurs membres sur la scène mondiale. Les dirigeants de l’Inde et de l’Argentine ont rapidement condamné les attaques du Hamas, de même que les Emirats arabes unis, signataires des accords d’Abraham avec Israël. Ceux du Brésil, de la Chine, de la Russie et de l’Egypte se sont limités à une posture qu’ils considèrent comme équilibrée, se gardant de formuler une condamnation et appelant à l’apaisement en renvoyant dos à dos les parties prenantes. Sans surprise, à l’autre extrémité du spectre, l’Afrique du Sud et l’Iran pointent une responsabilité israélienne.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde – 40 cartes pour comprendre un monde fracturé », 2023. Ce hors-série est en vente dans les kiosques ou par Internet en se rendant sur le site de notre boutique.

Il faut analyser ces postures dans le contexte d’une continuité avec les traditions de politique étrangère de ces Etats, que la référence partagée au Sud global ne suffit manifestement pas à infléchir. Le conflit israélo-palestinien, bien qu’il soit passé à l’arrière-plan ces dernières années, dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la concurrence entre puissances dans la région Indo-Pacifique, demeure par ailleurs l’enjeu international « intérieur » par excellence : à l’échelle mondiale, les postures adoptées par les différents gouvernements sur ce sujet sont largement contraintes par des opinions publiques dont les attentes différenciées participent aussi de l’hétérogénéité des BRICS.

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Justement, l’expression « Sud global » a-t-elle un sens ?

L’usage désormais généralisé de la notion de Sud global invite à la prudence. Elle essentialise l’appartenance à une catégorie construite autour de l’opposition à un Nord lui-même loin d’être parfaitement uni, en dépit de l’hétérogénéité des conditions et caractéristiques des Etats du Sud, de leurs aspirations et positionnements politiques différenciés ou encore de la variété de leurs degrés d’insertion dans la mondialisation. Tous les Etats assimilés au Sud global sont pourtant loin de privilégier une posture contestataire à l’égard de l’ordre international… Priver l’analyse de ces nuances revient à occulter les convergences existantes entre acteurs assimilés au Sud et au Nord, pour mettre l’accent sur les clivages.

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