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En Australie, l’abattage de chevaux sauvages, symboles d’une bataille « pour l’âme » du pays

LETTRE DE SYDNEY

Des chevaux sauvages « brumbies », dans le parc national de Kosciuszko, en Nouvelle-Galles-du-Sud, le 23 janvier 2018.

L’Australie n’a jamais hésité à employer les grands moyens pour protéger ses écosystèmes uniques au monde des espèces envahissantes exogènes, quitte à envoyer des tireurs professionnels, à bord d’hélicoptères, pour éliminer des milliers de dromadaires, de porcs ou encore de cerfs. A une exception près. Dans le parc national de Kosciuszko, en Nouvelle-Galles-du-Sud, les chevaux sauvages ont été relativement protégés, pendant deux décennies, au nom de leur appartenance au patrimoine culturel malgré les protestations des scientifiques et de défenseurs de l’environnement.

Vendredi 27 octobre, le gouvernement local a finalement approuvé la reprise de leur abattage aérien pour préserver la faune et la flore endémiques. Mais les partisans de ces équidés surnommés « brumbies », descendants des chevaux arrivés d’Angleterre avec les premiers colons, en 1788, avant de retourner à l’état sauvage, n’ont pas prévu de baisser les armes dans cette bataille des cultures qui n’a pas fini d’agiter le sud-est du continent.

« Ils méritent mieux que d’être laissés, agonisants, criblés de balles », a notamment déclaré, peu après l’annonce, Jill Pickering, présidente de l’Alliance australienne pour les brumbies, qui rappelle, sur son site Internet, que ces animaux « emblématiques » du pays, « ont donné leur nom à des équipes de rugby, à des unités militaires, figurent sur des billets de banque et (…) ont également été mis en avant lors de l’ouverture des Jeux olympiques de Sydney ».

« Empreinte des Blancs sur le paysage »

Dans les Alpes australiennes, où se situe le parc national de Kosciuszko, à quelque 500 kilomètres au sud-ouest de Sydney, les colons ont utilisé ces chevaux pour le transport, pour rassembler le bétail et d’autres tâches essentielles à la vie dans ces régions reculées. Symbolisant la liberté, l’indépendance et la ténacité face à un environnement souvent hostile, les brumbies s’inscrivent dans la mythologie australienne de l’outback − l’arrière-pays − et ont été célébrés dans la littérature et le folklore local, comme dans le poème The Man from Snowy River de Banjo Paterson, l’un des plus grands écrivains du pays.

« Pour une partie de la population, ces chevaux rappellent cette époque où les colons anglais exploitaient et s’enrichissaient de la terre. Ils représentent les Australiens d’origine européenne domptant le pays. Il s’agit de l’empreinte des Blancs sur le paysage. Nous sommes face à une bataille pour l’âme de l’Australie entre des visions postcoloniales et précoloniales », analyse Anthony Sharwood, auteur du livre The Brumby Wars (« Les Guerres des brumbies », Hachette Australia, 2021, non traduit).

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