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Dans la recherche, des résultats négatifs trop souvent tus et pourtant si précieux

Au 52 de la rue de Charenton, dans le 12e arrondissement de Paris, une plaque de marbre porte cette inscription : « Le 17 avril 1967 – ici – il ne s’est rien passé ». Çà et là, quelques autres exemplaires de ces apostrophes poétiques semblent nous inviter, le temps d’une respiration, à célébrer l’ordinaire et le temps qui passe pour lui-même, tout en renvoyant à leur vanité bien d’autres plaques commémoratives. Ces hommages à l’absence restent toutefois en nombre minime, relativement à la densité des instants que personne n’a jugé utile de consigner ailleurs que dans la mémoire de ceux qui passaient par là.

Les sciences expérimentales dressent régulièrement un constat similaire : alors que la littérature regorge d’articles documentant les effets de tel phénomène sur tel paramètre et cherchant à en détricoter les liens de causalité, il est bien rare qu’une étude dont les conclusions sont une absence d’effet atteigne le stade de la publication. Cette omission des résultats négatifs a un effet pervers : faute de savoir qu’une hypothèse a déjà été testée et infirmée, d’autres l’exploreront à nouveau, en vain.

C’est donc avec stupéfaction que les lecteurs de la revue Nature y ont découvert au mois d’août un article intitulé « Aucune preuve d’un effet du champ magnétique sur le comportement de la drosophile », qui s’ouvrait sur une guirlande de « diagrammes à moustaches » remarquablement centrés sur zéro – c’est-à-dire une absence d’effet.

110 000 drosophiles testées sans effet

Dans cette étude, les chercheurs souhaitaient évaluer la possibilité d’utiliser la mouche du vinaigre, ou drosophile, comme organisme modèle pour étudier les mécanismes de perception du champ magnétique terrestre et leurs effets comportementaux. Ce sens est mieux connu chez d’autres espèces, comme les passereaux migrateurs nocturnes, sur lesquels il est cependant difficile de travailler en laboratoire. Plusieurs publications indiquaient que la drosophile en disposait également, ce que les chercheurs ont cherché à confirmer par des dispositifs hautement contrôlés, protégés des perturbations magnétiques externes, et visant à éliminer autant que possible les biais expérimentaux et d’analyse.

Dans l’un de ces dispositifs, les mouches étaient d’abord entraînées en associant la présence d’un champ magnétique d’intensité environ dix fois supérieure à celle du champ magnétique terrestre à une récompense sucrée. Elles étaient ensuite placées dans un tube en T dont l’une des branches était exposée à ce champ magnétique, l’autre non. Près de 100 000 diptères ont passé ce test par lots de 100, en variant les situations pour éviter de se trouver par hasard dans le contexte précis où « ça ne marche pas ».

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