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« Les vrais intérêts froissés par l’interdiction de location des passoires énergétiques sont ceux des bailleurs »

Depuis qu’il est question de « transition écologique », la droite française est soudainement devenue très sensible à la question sociale, au pouvoir d’achat des plus modestes et à la montée des inégalités. Ralentir cette transition, facteur d’inflation, serait par conséquent une mesure de justice sociale. Ce discours constitue évidemment le dernier subterfuge en date pour ne rien faire. Le problème est qu’il est repris par des figures politiques de premier plan.

Edouard Philippe, invité à la rentrée du Mouvement démocrate (MoDem) à Guidel (Morbihan), le 30 septembre, a déclaré que l’interdiction des passoires thermiques serait « en train de créer une impasse pour les plus modestes », cette interdiction risquant d’assécher le marché locatif et donc de renchérir les loyers. Cette prise de position de l’ancien premier ministre, qui en son temps avait longtemps défendu la taxe carbone, est un revirement très inquiétant compte tenu de ses ambitions politiques. Sa crainte est-elle fondée ? Les statistiques du parc immobilier permettent d’en douter, pour trois raisons.

Premièrement, depuis le 1er janvier, les logements concernés par l’interdiction de location sont ceux consommant plus de 450 kWh/m²/an, classés en G+. Pour rendre les choses concrètes, entre dans cette catégorie un studio de 20 mètres carrés consommant environ 2 000 euros d’électricité par an pour se chauffer à 19 °C. Interdire les passoires énergétiques augmenterait donc en réalité les ressources des foyers modestes en leur permettant d’économiser sur leur facture électrique.

Bouffée d’air

Deuxièmement, à ce stade, il n’est pas certain que l’interdiction des passoires énergétiques ait un effet inflationniste sur les loyers. Les logements G+ et G (plus de 375 kWh/m2/an) sont à 80 % occupés par leurs propriétaires et ne sont donc pas concernés par la mesure. Les logements G, qui seront interdits à la location en 2025, ne concernent que 2 % du parc total et il est peu probable que cette mesure déséquilibre à elle seule le marché.

Troisièmement, cette mesure d’interdiction, annoncée depuis longtemps, a été promulguée en 2021. Les propriétaires de passoires thermiques ont donc eu du temps pour effectuer les travaux qui s’imposent. En outre, rien ne les y oblige, et ils peuvent bien entendu préférer vendre leur bien. L’éventuelle baisse du prix de l’immobilier que cela pourrait provoquer serait d’ailleurs une bouffée d’air pour les jeunes et les ménages modestes.

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Cela nous amène au point essentiel : les vrais intérêts froissés par l’interdiction de location des passoires énergétiques ne sont pas ceux des classes populaires, mais ceux des propriétaires bailleurs. Or, ces derniers ne sont généralement pas à plaindre. Les deux déciles supérieurs des revenus possèdent plus de la moitié des passoires du parc locatif privé. A l’inverse, seulement 7 % des passoires énergétiques en location appartiennent aux deux déciles inférieurs.

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