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Jean Lopez, historien : « Il n’y a rien eu de comparable à l’Ukraine depuis 1945, sauf la guerre entre l’Iran et l’Irak en 1980 »

Un soldat ukrainien vise une position russe près d’Andriïvka, dans la région de Donetsk, 
le 27 août 2023.

Historien et journaliste, Jean Lopez est directeur de la rédaction du magazine Guerres & Histoire, qu’il a fondé en 2011. Il a notamment publié, avec Benoist Bihan, Conduire la guerre. Entretiens sur l’art opératif (Perrin, 2023), et L’Ours et le Renard, avec Michel Goya (Perrin, 2023).

Vous avez publié, avec Michel Goya, un livre intitulé L’Ours et le Renard, sur la guerre en Ukraine. Pourquoi ce titre ?

L’ours, on s’en doute, ce sont les Russes, dont on pouvait penser que, dans une guerre, ils avaient les effectifs et la force ; et le renard figure les Ukrainiens, dont on postulait qu’ils misaient sur la souplesse et sur l’agilité. Les choses se sont passées différemment. Les gros bataillons n’étaient pas du côté des Russes mais du côté de Kiev. La Russie a attaqué l’Ukraine le 24 février 2022 avec l’équivalent de cent vingt à cent trente bataillons, soit environ 130 000 hommes de l’armée de terre, alors que les Ukrainiens sont montés à 500 000 ou à 600 000 soldats engagés. En revanche, la quantité de matériel de guerre, elle, était du côté des Russes, organisés en petites unités disposant d’un équipement pas forcément de première jeunesse. Quant à l’Ukraine, elle alignait un matériel souvent plus récent, plus moderne et surtout d’origines beaucoup plus diverses, des drones d’origine turque par exemple.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde – 40 cartes pour comprendre un monde fracturé », 2023. Ce hors-série est en vente dans les kiosques ou par Internet en se rendant sur le site de notre boutique.

Peut-on qualifier de blitzkrieg l’offensive russe sur Kiev venant de Biélorussie ?

Je n’utiliserais pas le mot « blitzkrieg ». J’ai l’impression que les Russes ont voulu rééditer ce qu’ils ont réussi en Afghanistan en assassinant le président afghan à Noël 1979, c’est-à-dire un coup de main avec le débarquement d’une brigade sur l’aérodrome d’Hostomel, près de Kiev, appuyé par l’infiltration de commandos pour essayer de décapiter politiquement l’Ukraine. Une fois ce travail accompli, cela ouvrait la voie aux moyens mécanisés pour prendre le contrôle d’un pays sans tête.

Cela ne s’est pas passé ainsi. Les colonnes russes étaient mal préparées, elles ont connu leurs objectifs au dernier moment, beaucoup n’avaient pas de cartes. Les Russes avaient pourtant bien réussi leur offensive en Crimée en 2014, où, sans jamais tirer un coup de feu, ils avaient réussi à s’emparer de la République autonome de Crimée, avec deux ou trois brigades face à quinze mille soldats ukrainiens médusés. L’armée ukrainienne a failli en 2014. On sait aujourd’hui qu’elle était largement noyautée par les services de renseignement russes, le FSB, via le renseignement ukrainien. Et en 2022, les Russes s’imaginaient un pays sans colonne vertébrale, noyauté par leur propagande, présupposant des sympathies envers la Russie à l’est. Rien de cela n’est arrivé. Même là où l’élément russophone était majoritaire, les Russes n’ont reçu aucun soutien. A Kharkiv, c’est frappant : cette ville à majorité russophone a résisté à l’assaillant. Evidemment, c’était une très mauvaise surprise.

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