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Spasfon, la petite pilule rose ne passerait plus

Un succès à la loupe

Qui n’a pas une plaquette qui traîne au fond de sa trousse de toilette ? Les dragées rose vif de phloroglucinol sont prescrites contre les maux de ventre, en particulier pour soulager les douleurs menstruelles. Commercialisé en France à partir de 1964 par le laboratoire Lafon, le Spasfon est un carton commercial. A la fin des années 1990, 40 % du chiffre d’affaires de l’entreprise tricolore provenaient de sa vente. Plus de 25 millions de plaquettes ont été prescrites au cours de 2021, ce qui fait de ce médicament, aujourd’hui produit par le géant américain Teva, l’un des dix plus vendus dans l’Hexagone. Un succès décrypté par la philosophe de la médecine Juliette Ferry-Danini, qui publie chez Stock l’essai Pilules roses. De l’ignorance en médecine (214 pages, 19,50 euros).

Des patientes malmenées

C’est en lisant des témoignages de patientes sur le réseau social Twitter (aujourd’hui X) en 2020 que l’autrice décide de retracer l’historique du Spasfon. Dans les années 1960, il est testé en majorité sur des femmes. Un petit groupe de médecins leur fait passer ce qu’ils nomment l’« épreuve cholérétique-morphine » : des injections cutanées qui déclenchent des maux de tête et de ventre… Les comptes rendus de cette expérience font état d’affreuses souffrances chez les patientes.

Manque de données

Les recherches de Juliette Ferry-Danini confirment son pressentiment : le manque de données scientifiques prouvant l’efficacité du phloroglucinol dans le traitement des menstruations douloureuses. Preuve que la médecine ne prend que très peu en compte la question de la douleur, notamment des femmes, jugées trop sensibles. Le discours scientifique autour du Spasfon repose ainsi sur une idée simpliste : pendant leurs règles, les femmes ont des spasmes, que la médecine cherche à calmer, depuis la fin XIXe siècle, les considérant comme des marques… d’hystérie. En 2014, la Haute Autorité de santé déclarait d’ailleurs que le « service médical rendu par le Spasfon est faible pour traiter les spasmes douloureux en gynécologie ».

Epargné dans le budget de la Sécu

Contrôlé par l’Agence européenne du médicament, qui entend mettre de l’ordre dans les autorisations de mise sur le marché, et en pleine polémique sur les dangers des vasoconstricteurs utilisés pour soulager le rhume, le Spasfon va-t-il disparaître des pharmacies ? Pas pour l’instant. Car, malgré sa faible efficacité, il est sans danger. Il va aussi rester peu coûteux, puisque le gouvernement vient d’annoncer qu’il ne doublera pas les franchises médicales appliquées aux médicaments remboursables dans le budget de la Sécurité sociale pour 2024. Mais Bercy veut économiser 1,3 milliard d’euros sur les médicaments. Et pourrait donc voir rouge au sujet des pilules roses.

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