Close

« Le cacao décroche le cocotier »

Un jeune paysan sèche des fèves de cacao, à Daloa (Côte d’Ivoire), le 2 octobre 2023.

Alors que les papillotes emmaillotées dans leur papier doré font déjà leur entrée sur la pointe de leurs pieds dentelés chez les commerçants les plus pressés, le client est tenté. Doit-il succomber deux mois avant les festivités ? Etre prévoyant en achetant maintenant ? Prendre un temps d’avance sur le calendrier de l’Avent ? Seule certitude, les prix des confiseries chocolatées seront regardés de près et les promotions prisées en ces temps d’inflation débridée.

Au moment des vœux pour 2024, certains pourraient d’ailleurs bien former l’espoir encore vague d’une décrue des prix. Le gouvernement veut faire pression, incitant par la loi industriels et distributeurs à anticiper les négociations tarifaires des produits alimentaires pour les boucler en janvier. Une avancée de calendrier en forme de pétard mouillé ? Ou faut-il croire au Père Noël ?

Rien ne prédit que les discussions aboutiront à un repli des prix. En tout cas, pas pour le chocolat. Et pour cause. Avec le cacao, les spéculateurs ont tiré la fève. La poudre brune s’est enflammée sur les marchés. Fin octobre, elle se négocie à près de 3 800 dollars (3 600 euros) la tonne à New York, un plus haut depuis quarante-quatre ans. En effet, il faut remonter à 1979 pour retrouver un tel niveau de cotation. Le cacao décroche le cocotier.

Craintes de déficit de l’offre

Pour expliquer cette envolée, il faut se tourner vers la Côte d’Ivoire et le Ghana, les deux pays pivot du cacao, qui fournissent ensemble près de 60 % des volumes mondiaux. Or, dans les plantations africaines, la grande récolte a débuté le 1er octobre. Les cabosses orangées accrochées au tronc des cacaoyers sont coupées, puis tranchées pour livrer les précieuses fèves. Sans attendre, les marchés tentent de les soupeser.

« Même si les cacaoyers continuent de produire des cabosses et qu’il est donc difficile de faire des prévisions, la production en Côte d’Ivoire pourrait être inférieure à deux millions de tonnes », estime Pierre Ricau, analyste pour la société de conseil N’Kalô Service. Il évoque le coût élevé des engrais et des pesticides, qui a contraint les planteurs à réduire les doses. Les marchés ont aussi scruté la météo pluvieuse propice à la diffusion de maladies fongiques. M. Ricau aborde également un sujet plus structurel. « Le gros de la croissance de la cacaoculture en Côte d’Ivoire est lié à son développement dans les zones naturelles protégées. Près de la moitié de la production en est issue. Un pic a été atteint. »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Au Ghana, les producteurs de cacao piégés dans une trappe à pauvreté

Dans ce contexte de cours brûlant, sur fond de craintes de déficit de l’offre, les planteurs ivoiriens attendaient beaucoup de la fixation des tarifs de la nouvelle campagne. Espoirs déçus. Le prix payé par kilo de fèves bord champ est passé de 900 à 1 000 francs CFA (de 1,37 à 1,52 euro). Une hausse de 11 %, certes, mais sans comparaison avec les 40 % de celle du cours du cacao. Les planteurs sont toujours chocolat. Les gourmands devront, eux, débourser plus, après la nouvelle année, pour s’offrir tablettes et confiseries chocolatées. Ou peut-être se rationner, en pensant : « Un carré de chocolat croqué, c’est un arbre qui craque. »

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top