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Sur le budget 2024, les mauvais comptes du Rassemblement national

De gauche à droite : le secrétaire général du groupe Rassemblement national, Renaud Labaye, la présidente du groupe RN, Marine Le Pen, et les députés RN Sébastien Chenu et Jean-Philippe Tanguy, à l’Assemblée nationale, le 6 juin 2023.

La génétique animale a fait d’incontestables progrès, mais transformer une cigale en fourmi reste une opération complexe. Preuve en est, en cette période d’examen au Parlement du budget, le décalage entre le discours fort du Rassemblement national (RN) sur la dette de la France et ses actes : des amendements qui, s’ils étaient adoptés, auraient plus de chances d’aggraver l’endettement public que de le réduire.

Lors du bref débat dans l’Hémicycle sur la première partie du projet de loi de finances pour 2024, l’extrême droite s’est fait fort d’incarner un rempart contre la dette. A la tribune, Jean-Philippe Tanguy, responsable des questions économiques au RN, a prononcé le mot à treize reprises dans son discours, alors qu’à la faveur d’un chiffre spectaculaire − 3 000 milliards d’euros de dette de l’Etat − et de l’envolée des taux d’intérêt, le sujet revient dans le débat public.

Particulièrement vindicatif, le député de la Somme a accusé le gouvernement de conduire « notre pays à la banqueroute » et de n’avoir pas profité de « l’argent gratuit » des banques centrales pour s’attaquer au déficit. Le remboursement des intérêts constitue le deuxième poste de dépenses de l’Etat pour 2024 et pourrait dépasser celui de l’éducation nationale ces prochaines années. Un phénomène aggravé par l’indexation sur l’inflation d’un dixième de la dette française.

Le Front national de Jean-Marie Le Pen n’avait pas de discours sur la dette et le RN n’en eut pas davantage jusqu’à la sortie de la pandémie de Covid-19, durant laquelle Emmanuel Macron a opté pour la politique du « quoi qu’il en coûte ». Marine Le Pen publie alors, en 2021, une tribune dans le quotidien L’Opinion, empruntant aux discours orthodoxes et au bon sens populaire : « Oui, une dette doit être remboursée. Il y a là un aspect moral essentiel. »

Son objectif est alors d’enterrer le souvenir du cafouillage sur la coexistence de l’euro et de l’écu lors du débat de l’entre-deux-tours de 2017. Et de gagner en respectabilité, notamment pour séduire l’électorat âgé et les classes moyennes supérieures votant à droite. « Vous avez des moteurs de vote émotionnels, comme le pouvoir d’achat et l’immigration, expose M. Tanguy. Mais quand vous confiez votre pays à un parti, vous prenez aussi en compte ce qu’il dit sur des sujets comme l’environnement et la dette. Or, nous sommes un peuple terrien, catholique, qui croit encore que “qui paie ses dettes s’enrichit”… Même si c’est faux. »

« L’arbre qui cache la forêt »

Malgré son abandon de la sortie de l’euro et son renoncement à la retraite à 60 ans pour tous, Marine Le Pen sait que la perception d’un manque de sérieux économique lui coûte des voix. Alors que la remontée des taux pourrait refaire de la dette un objet de préoccupation, la triple candidate à l’élection présidentielle compte sur ses troupes en commission des finances pour distiller un discours de crédibilité budgétaire. Son groupe a consacré une part substantielle de son enveloppe au recrutement d’un magistrat financier, énarque, Matthias Renault, comme conseiller dans cette commission. Mais, du côté des élus, Jean-Philippe Tanguy, mis en avant par le RN pour sa compétence économique, est surtout, aux yeux de Jean-René Cazeneuve, rapporteur général Renaissance sur le budget, « l’arbre qui cache la forêt ».

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