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Laurence Scialom : « La finance peut-elle vraiment être durable ? »

Les marchés et les intermédiaires financiers peuvent-ils contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique par la réallocation des flux financiers des secteurs et activités très carbonés vers les secteurs et activités durables et vertueux ? Autrement dit, la finance durable l’est-elle réellement ? Il y a de sérieuses raisons d’en douter, mais tout espoir n’est pas perdu.

Il existe une confusion, bien entretenue, sur ce qu’est la finance durable, car deux visions s’opposent. Pour l’investisseur soucieux de la préservation de la planète, c’est l’impact des entreprises sur l’environnement qui importe. Il cherchera donc à investir dans des entreprises attentives à ne pas dégrader les écosystèmes. Les financiers et les entreprises, en revanche, se soucient principalement des conséquences financières de cette dégradation sur leurs comptes et sur leur valorisation boursière.

Ces conceptions très différentes sont source de confusion propice au greenwashing. La question-clé est donc celle de l’objectif de la finance durable (ou investissement « écologiquement responsable »). Or, les normes mobilisées dans le champ de la finance durable pour en « rendre compte » ne sont pas neutres, elles en façonnent la réalité. Ces normes font aujourd’hui l’objet d’un conflit ouvert entre l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis, dont l’issue décidera de ce que deviendra la finance durable : un simple ersatz de la finance classique, ou une finance réellement capable de se mettre au service de la transition écologique. La question peut sembler technique, mais il s’agit en réalité d’une réflexion politique au sens où elle reflète des conceptions opposées quant aux relations que doit entretenir le monde des affaires avec le climat, la biodiversité et plus généralement la nature.

Un socle indispensable

Pour résumer, les Etats-Unis défendent la notion de « simple matérialité », qui désigne l’impact de l’environnement social et environnemental sur les comptes de l’entreprise. Alors que l’UE défend celle de « double matérialité », qui s’intéresse également aux conséquences sur l’environnement et le monde social du comportement, des choix stratégiques, des opérations et de la production de l’entreprise. La double matérialité reconnaît que les entreprises et les institutions financières doivent également gérer et assumer la responsabilité des impacts négatifs réels et potentiels de leurs décisions sur les personnes, la société et l’environnement. Il s’agit d’un changement de paradigme comptable qui réencastre l’entreprise dans son environnement naturel et social. L’UE promeut cette conception comme une étape essentielle pour la réalisation du Pacte vert, alors que les Etats-Unis soutiennent l’approche développée par l’International Sustainability Standards Board (présidé par Emmanuel Faber), qui a publié en juin ses premières normes extrafinancières climatiques selon le principe de simple matérialité.

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