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« La transition écologique n’est pas la bombe atomique »

Les appels répétés à la mise en place d’un « projet Manhattan pour le climat » sont déjà anciens mais se poursuivent (comme dans Le Monde, le 25 septembre). Ils s’inscrivent dans une série d’appels à envisager la lutte contre le changement climatique à l’aune d’une situation de guerre. L’idée est toujours la même : il s’agirait d’organiser un effort de recherche massif, alliant science et industrie, pour – enfin ! – développer des technologies « vertes » susceptibles de résoudre la crise climatique.

Nous ne remettons pas en cause la nécessité d’un effort massif de recherche et de réorientation radicale de nos économies. De même, nous partageons le constat d’une grande insuffisance des moyens actuels, ainsi que la nécessité d’une mobilisation exceptionnelle dans une situation d’urgence inédite et existentielle sur le front du climat et des limites planétaires. Néanmoins, la référence au projet Manhattan présente un certain nombre de limites, déjà bien identifiées par les chercheurs en histoire des techniques et en management de l’innovation. La transition écologique n’est pas la bombe atomique.

En premier lieu, Manhattan était un projet militaire et secret, totalement fermé, doté de la priorité la plus élevée. Lancé dans un contexte de guerre totale, il n’a jamais eu à s’inquiéter de son acceptabilité : pas d’opposition, pas de débat démocratique, aucune nécessité de convaincre les citoyens de la pertinence du projet. Très peu de personnes étaient au courant de l’ensemble du projet. Un cloisonnement très strict des équipes avait été mis en place : la majorité des acteurs ne savaient pas dans quel but ils travaillaient. Il était interdit de poser des questions sur les finalités du projet, et les rares initiatives en ce sens ont été très rapidement étouffées.

Enfin, les nombreuses entreprises mobilisées sur le projet n’ont, pour ainsi dire, pas eu le choix. Leslie Richard Groves, le directeur du projet, n’a jamais eu le moindre problème de ressources, y compris quand il a fallu emprunter des stocks de métaux précieux de la banque centrale américaine. Autrement dit, il n’y a jamais eu de détracteurs du projet, de « Manhattan-sceptiques », et la question des incitations à s’engager était d’emblée résolue. On mesure ici l’écart avec la lutte contre le changement climatique, qui, au contraire, suppose la mise en mouvement de l’ensemble de la société dans un cadre démocratique. Les difficultés rencontrées dans les négociations climatiques à tous les niveaux ne sauraient être résolues par la seule mise en place d’un projet. La mise en mouvement collective est justement le problème à résoudre…

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