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En Suisse, la xénophobie décomplexée progresse dans les urnes

LETTRE DE GENÈVE

Des tracts électoraux du leader de l’UDC, Marco Chiesa (au centre), sur un stand du parti, à Lugano (Suisse), le 7 octobre 2023.

La photo de gauche est barrée d’une grande croix rouge, en signe de refus. On y voit un groupe d’hommes noirs accroupis, parqués dans un centre de réfugiés sur l’île italienne de Lampedusa, ligne de front du drame migratoire en Méditerranée. Sur l’image de droite, accompagnée d’une grande coche verte pour validation, trois enfants blonds et leurs parents au teint clair, assis sur un pré alpin vert tendre, qu’arpentent, non loin, de pacifiques vaches. Au-dessous des deux illustrations, cette profession de foi, en gros caractères : « Non à une Suisse à dix millions d’habitants. »

Le pays alpin en compte actuellement près de neuf millions, après deux décennies de fort accroissement démographique. Prétendument menacée par une « immigration incontrôlée », la Suisse serait sur le point de perdre et son âme et sa légendaire sécurité. Elle risquerait aussi de devoir partager sa prospérité avec de nouveaux arrivants étrangers toujours plus nombreux.

Martelé dans un « tous ménages » – une brochure électorale publicitaire traditionnellement distribuée dans toutes les boîtes aux lettres privées du pays – peu avant les élections fédérales de dimanche 22 octobre, le slogan racoleur a atteint son objectif. Son concepteur, l’Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste), a encore renforcé son emprise sur le paysage politique helvétique avec 27,9 % des voix (+ 2,3 points par rapport aux élections de 2019), en décrochant 61 sièges (neuf supplémentaires) de députés au Conseil national, la chambre basse du Parlement helvétique. Son premier poursuivant, le Parti socialiste suisse, en légère hausse, est largement dépassé à près de 10 points (18,3 %).

Le nom de l’UDC dans la langue d’origine, l’allemand, donne une idée plus précise de son orientation que celui utilisé en français. Le Schweizerische Volkspartei se traduirait en effet plus logiquement par « Parti du peuple suisse », ce qui correspond mieux à son orientation idéologique : refus catégorique du rapprochement avec l’Union européenne (UE), souverainisme, obsession de l’immigration, promotion des valeurs familiales traditionnelles.

« Faire croire qu’il existe deux classes d’êtres humains »

La « population étrangère » (un tiers de la population est né à l’extérieur de la Suisse, chiffre qui monte à 50 % dans les métropoles de Genève et Zurich) est rendue responsable de tous les (rares) maux du pays, dont l’économie est florissante. Elle est pourtant constituée dans son écrasante majorité de ressortissants de l’UE au bénéfice de la libre circulation, et facilement recrutés sur un marché du travail en surchauffe qui ne pourrait fonctionner sans eux. Les résidents étrangers provoqueraient aussi l’engorgement autoroutier et ferroviaire, l’envolée des prix du logement, « le chaos de l’asile et les enfants suisses minoritaires dans les écoles », comme le précise le « tous ménages » de l’UDC.

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