Close

Eric Dupond-Moretti : ce que lui reproche la commission d’instruction de la Cour de justice de la République

Eric Dupond-Moretti, ministre de la justice, à Paris, le 21 juillet 2023.

Le moment est historique : pour la première fois, un ministre en exercice va être jugé, du 6 au 17 novembre, par la Cour de justice de la République (CJR) – et, qui plus est, un ministre de la justice, garde des sceaux. L’épreuve est assurément redoutable pour Eric Dupond-Moretti, mis en examen pour prises illégales d’intérêts le 16 juillet 2021, et renvoyé devant la juridiction le 3 octobre 2022 par la commission d’instruction de la CJR en chambre du conseil, c’est-à-dire à huis clos – le ministre avait aussitôt déposé huit pourvois en cassation, finalement rejetés le 28 juillet. Il risque désormais cinq ans de prison et 500 000 euros d’amende, et une peine complémentaire d’inéligibilité. Le Monde a pu consulter le copieux arrêt de renvoi devant la CJR, 143 pages jusqu’ici confidentielles, qui n’est pas tendre pour le ministre et sa directrice de cabinet.

La commission d’instruction est composée de trois membres de la Cour de cassation et est présidée par Janine Drai. Elle a entendu, le 6 septembre 2022, l’avocat général Philippe Lagauche, qui a sans surprise requis le renvoi du ministre devant la Cour, puis les deux avocats du mis en examen, Christophe Ingrain (remplacé depuis par Jacqueline Laffont) et Rémi Lorrain, qui ont réclamé un non-lieu ; Eric Dupond-Moretti a eu la parole en dernier, et la commission s’est donné un mois pour rendre son arrêt.

Eric Dupond-Moretti est accusé d’avoir voulu régler ses comptes, une fois ministre, avec plusieurs magistrats contre qui il avait bataillé lorsqu’il était avocat. Dans deux affaires distinctes : l’affaire Levrault et celle du Parquet national financier (PNF).

L’affaire Levrault

Edouard Levrault avait été détaché en 2016 comme juge d’instruction à Monaco pour trois ans, d’habitude renouvelés une fois quasi automatiquement. Mais, en 2019, le directeur des services judiciaires de la Principauté (l’équivalent du ministre de la justice) insiste pour que la France rapatrie son juge. Il dit à Nicole Belloubet, alors garde des sceaux, que le juge « se permet de laisser planer des soupçons sur toutes sortes de personnes, et il souhaite désormais enquêter à l’intérieur du Palais ». L’affaire remonte jusqu’à Emmanuel Macron, qui convient avec le prince Albert de transférer Edouard Levrault à Nice, à condition que Monaco se débarrasse de son directeur des services. En somme, on écarte un juge trop curieux. « On ne peut pas s’empêcher de faire un lien entre le dossier instruit par M. Levrault et son non-renouvellement », a expliqué à la commission d’instruction Peimane Ghaleh-Marzban, alors directeur des services judiciaires (DSJ) à Paris.

Il vous reste 90.61% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top