Close

Maintenir la pression pour lutter contre l’évasion fiscale

Alors que l’économie mondiale connaît une succession inédite de chocs (crise sanitaire et énergétique, inflation, tensions géopolitiques, ralentissement de la croissance), l’évasion fiscale reste prospère. Les paradis fiscaux sont toujours aussi accueillants pour les multinationales qui cherchent à éviter l’impôt. Selon le rapport sur l’évasion fiscale mondiale, publié lundi 23 octobre par l’Observatoire européen de la fiscalité, près de 1 000 milliards d’euros de profits ont été enregistrés en 2022 dans ces pays pratiquant des taux d’imposition ridiculement bas. Plus d’un tiers des bénéfices mondiaux réalisés à l’étranger par ces entreprises sont ainsi soustraits au fisc de leur pays d’origine.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La grande évasion fiscale des multinationales continue

Les mécanismes d’optimisation fiscale n’ont cessé de prendre de l’ampleur au cours des dernières décennies. Pour les Etats où ces entreprises devraient logiquement payer leurs impôts parce qu’elles y exercent leur activité, le manque à gagner représente près de 10 % des recettes fiscales collectées mondialement sur les sociétés.

La communauté internationale a fini par prendre conscience que cette course au moins-disant fiscal était une impasse. L’idée que les plus riches et les multinationales ne paient pas leur juste part sape le contrat social et érode le consentement général à l’impôt. En outre, ces pratiques privent les Etats de recettes fiscales indispensables au financement de leur modèle social et de la transition écologique.

Pas une fatalité

Face à ces enjeux, une vaste réforme fiscale mondiale, lancée sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques à partir de 2016, paraphée par 140 pays en 2021 et approuvée par l’Union européenne en décembre 2022, est enfin sur le point d’entrer en vigueur. Désormais, quel que soit le pays dans lequel une multinationale déclare ses bénéfices, ces derniers seront in fine taxés à un taux minimal identique de 15 %. Chaque pays garde son droit souverain à fixer le taux de prélèvement qu’il souhaite, mais, si celui-ci est inférieur à l’impôt minimal mondial, la différence pourra être encaissée par les Etats floués par ces pratiques. Les paradis fiscaux perdent ainsi en théorie l’essentiel de leur attractivité.

La réforme est très loin d’être parfaite. La recherche d’un large consensus a conduit à appliquer un taux mondial d’imposition relativement faible, assorti d’exonérations qui en limitent la portée. Il s’agit néanmoins d’un net progrès. Il y a encore quelques années, un tel accord mondial était tout simplement inimaginable. Un bilan de la réforme devra être établi une fois que celle-ci sera pleinement entrée en vigueur, pour mettre en lumière ses insuffisances et apporter les correctifs éventuels. Néanmoins, une dynamique globale contre l’évasion fiscale s’est enclenchée.

Concernant les particuliers fortunés, l’échange automatique d’informations bancaires, instauré en 2017, a permis de réduire l’évasion fiscale offshore. Certes, entre-temps, d’autres échappatoires ont pris de l’essor, comme l’investissement immobilier dans un pays autre que le sien. Diverses techniques d’optimisation continuent également de permettre aux ultrariches de bénéficier d’un taux d’imposition très faible par rapport au reste de la population.

La route reste longue pour remettre de l’équité dans un système que les Etats ont trop longtemps laissé dériver. Mais l’évasion fiscale n’a rien d’une fatalité, elle résulte de choix politiques. C’est à l’opinion publique de maintenir la pression pour que les dirigeants fassent en sorte que chacun paye un impôt juste.

Lire aussi les témoignages : Article réservé à nos abonnés Des millionnaires appellent à payer plus d’impôts : « Je suis riche, taxez-moi ! »

Le Monde

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top